Tu te dis cinéphile et t'as jamais vu les Miyazaki ??
Encore une fois en cette soirée d'hiver, mon ego était pris à parti. Non seulement je n'arrivais pas à créer de lien avec cette nouvelle rencontre mais elle commençait à remettre en question toute ma personnalité : celle du cinéphile mystérieux dont le film préféré serait un film d'auteur hongrois non disponible sur les plateformes de streaming.
Me voici donc dos au mur, je devais rattraper cette erreur du passé, le genre d'erreur qu'on vous ressort à chaque occasion possible pour vous prouver votre infériorité. Moi qui n'ai pas eu l'occasion de voir ces films pendant mon enfance, j'avais surtout peur d'arriver trop tard. Ce fut mon sentiment en visionnant "Mon voisin Totoro" somme toute très mignon et totalement repris par le capitalisme à travers de nombreux "merch" et une ambiance très "kawai".
Mon orgueil et mon amour propre sans limite lance tout de même Netflix et le gros morceau : Le Voyage de Chihiro
Comment les parents montrent-ils ça a leurs enfants ?? Des parents transformés en d'éffrayants cochons, des hommes sans visages, des grenouilles sans merci. L'homme de 25 ans, pourtant considérablement viril, que je suis commence à avoir très très peur.
A peine le film lancé, le spectateur est embarqué dans ce récit initiatique dont le sujet central sera notre place dans ce monde et la définition de notre propre personne. Qui suis-je ? Quelles sont mes valeurs ? Chaque personnage semble bien défini par des valeurs et un rôle précis mais montre ses limites existentielles au fur et à mesure du film. Haku qui semblait si pur est un voleur, l'homme sans visage totalement seul et qui pouvait proner la sagesse commence à manger les employés...
Me viennent alors des questions sur ma propre personne, quelles sont mes valeurs ? Quelle est ma place dans ce monde ? Cette personne avait-elle raison ? Puis-je vraiment me qualifier de cinéphile ? Si non, qui suis-je réellement si ce n'est une personne qui enchaine les films en slip dans son canapé ?
Chaque scène est un véritable tableau à exposer dans toutes les chaumières et on ne quitte plus Sen des yeux pendant ces 2h. A ces tableaux s'ajoutent la musique de Joe Hisaishi qui nous transporte ailleurs, pleine de nuances et de légereté et nous rappelle à quel point les compositeurs occidentaux sont à la ramasse (HZ...).
Le mal est fait, on ne veut plus s'en aller de ce monde imaginaire, ce monde qui avait pourtant transformé nos parents en vils cochons, nous avait fait oublier notre prénom et nous avait imposé le dur labeur (encore toi, le capitalisme). On veut rester en compagnie de ces boules de suie, de ce cochon d'inde, de ce moustique et un peu plus loin de cet homme sans visage.
Hélas, le dernier train sans retour sonne, il est l'heure de partir. On se souvient de son prénom, un peu plus sûr de qui nous sommes réellement. On traverse le tunnel sans se retourner mais sans regrets puisque resteront à vie des souvenirs de ce voyage de Chihiro.