Le Voyage de Chihiro
8.4
Le Voyage de Chihiro

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2001)

C'est toujours assez intimidant d'écrire quelque chose sur Sen to Chihiro no kamikakushi tant le film de Miyazaki s'avère être complexe, profond et ayant des niveaux de lectures multiples qui s'entremêlent.


Le film dévoile ses aspect multiples dés son titre, Kamikakushi signifiant disparition mystérieuse, mais également mort d'une personne à cause de la colère d'une divinité. Le fait de faire référence aussi bien à Sen qu'à Chihiro comme étant des personnes distinctes (Cette dualité Chihiro/Sen se retrouve également chez l'antagoniste Yubaba/Zeniba) participe également de cette volonté de complexité.


On peut néanmoins y déceler les thèmes principaux à commencer par le récit d'apprentissage, et une ode aux légendes et créatures nippones qui tombe sous le sens , mais également en filigrane une critique sociétale virulente en particulier envers le capitalisme et de la surconsommation qu'il engendre comme de la critique du système pyramidal et de la hiérarchie stricte en entreprise. On y trouve également des passages qui font clairement références à une prise de conscience écologique et une lutte contre la pollution. Il y a aussi bien sûr des idées véhiculées sur l'importance de la solidarité entre les travailleurs comme sur la richesse qu'apporte des sentiments éloignés du bas matérialisme tels que l'attachement familial et l'empathie entre autre.


Evidemment, le film fait la part belle aux créatures issues de la mythologie japonaise puisqu'on y retrouve une énorme bestiaire constitué de Yokaï et d'esprits divers et variés, mais il ne s'arrète pas uniquement aux mythes ou au folklore japonais, puisque Miyazaki puise, également, comme souvent ses inspirations dans la mythologie occidentale. L'épisode des parents transformés en cochons par la sorcière Yubaba rappelant l'épisode d'Ulysse chez Circé dans l'Odyssée d'Homère.
L'ensemble du récit rappellera aussi les récits plus contemporains de Lewis Caroll.


Récit initiatique ensuite, car la Chihiro du début est capricieuse, centrée sur elle même alors que Sen va être obligée de prendre sur elle pour assumer sa charge, et essayer de faire revenir ses parents à leur état initial d'être humain. Elle va petit à petit s'ouvrir aux autres et sa conscience va s'étendre non seulement à ses parents mais à tous les êtres qui peuplent ce microcosme de la maison des bains et qui reflète directement le macrocosme du monde réel. En traversant ce tunnel, Chihiro est semblable à Alice et passe de l'autre coté d'un miroir, certes déformant, mais qui n'en reste pas moins une représentation de son monde. Cette ouverture au monde et aux autres à travers les épreuves la fait changer, et grandir (ses parents lui en faisant la remarque à la fin d'ailleurs) ce qui place évidemment le récit dans le cadre classique du récit d'apprentissage.


Le film contient une critique du système capitaliste assez évidente.
Chihiro se voit privée de son identité par Yubaba lors de la signature de son contrat de travail se voyant réduite à un simple numéro, Sen signifiant mille en japonais.
Ce n'est là que l'une des multiples critiques à peine déguisée du système capitaliste et productiviste se trouvant sous forme d'allégorie au cœur du film d'animation de Miyazaki.
Yubaba n'envisage les gens qu'à travers deux positions: le travail qu'ils peuvent accomplir pour elle ou les ressources. Ceux qui ne peuvent se rendre utile par leur travail auront le rôle du bétail.
A travers les contrats qu'elle fait signer, elle ôte une partie de l'individualité de la personne, la cantonnant à sa fonction au sein de la structure hiérarchique de son établissement.
Le sans visage est aussi bien une représentation d'un consommateur insatiable et qui sera sans cesse contenté et approvisionné tant qu'il déverse de l'or sur les habitants du palais des bains de Yubaba, en avalant quelques uns au passage qui payent le prix de cette consomation effrénée, qu'une representation de cette volonté d'amasser des biens de ceux qui lui tournent autour.
Le fait que Sen et Haku qui sont des employés parviennent à changer les choses renvoie à une sorte de lutte de classes et au propres engagements de jeunesse syndicalistes et communistes de Miyazaki (même s'il s'est tourné vers une vision moins radicale, tout comme la conclusion du film évoquant une révolution plus douce que la russe et la chinoise dont il a vu les excès et dans lesquelles il ne remise pas sa foi, allant même jusqu'à dire que l'humanité n'était peut-être pas prête à appliquer Marx)


La dimension écologique se retrouve principalement dans deux aspect du film. D'abord, cette scène où ce que Yubaba et ses employés prenaient pour un dieu putride ce qui n'était qu'un esprit du fleuve pollué à l'extrème par les activités humaines (on y trouve des vélos, des poubelles,...). Ensuite parce que Haku, lui aussi l'esprit d'une rivière, était tenu prisonnier par Yubaba et sera libéré de sa charge par Chihiro. Miyazaki utilisant souvent l'eau (et le vent bien entendu) comme symbole de la nature et des liens que l'on entretien avec elle, insulaire oblige. La libération de la nature et donc des hommes, puisque comme Chihiro et Haku nous sommes intrinsèquement lié, de la tyrannie productiviste semble être un message que le film cherche volontairement à faire passer.


Le voyage de Chihiro porte également un message d'espoir en l'avenir et surtout en la jeunesse. Miyazaki semble déclarer qu'il fait confiance en cette jeunesse souvent décriée par les vielles générations pour trouver une solution aux soucis sociaux et écologiques que posent le présent , car c'est bien la jeune Sen/Chihiro qui parvient à dépolluer le dieu fleuve et à libérer Haku, la rivière. C'est elle également qui refuse l'argent facile du sans-visage et ne semble pas intéressée par ses cadeaux inutiles. C'est elle qui finira par rendre à Yubaba un visage humain (plus humain qu'au départ en tout cas).


Sen to Chihiro no kamikakushi est donc un film dont on pourrait décortiquer chaque séquence sur des niveaux multiples pendant un nombre de pages considérables, et il me semble que chaque nouveau visionnage nous ouvrira les yeux sur toujours plus de choses qui nous échappaient jusque là et ne ferait qu'ajouter des pages à ce travail sans fin qu'on pourrait croire imposé par Yubaba. Vu que je suis un paresseux dans l'âme, je vais m'arrèter là, en vous conseillant de regarder encore ce qui est sans doute un des plus grands film d'animation ayant été réalisé, et un des meilleurs contes de fées moderne. Et comme tous les merveilleux contes de fée, ce film de Miyazaki fait plus que nous raconter une simple histoire, ce qui en soit est déjà un merveilleux cadeau se suffisant à lui même,il nous emmène dans un voyage vers le cœur de l'humanité

Samu-L
10
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le 26 mars 2021

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Samu-L

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