Le voyage de Monsieur Crulic par Chtounet
Dire que ce film est complètement à l’opposé de ce que j’ai l’habitude de voir au cinéma, et pas seulement en terme d’animation, serait un euphémisme. Comme vous l’aurez sûrement remarqué, je suis beaucoup plus contes, histoires comiques, films d’action, etc. et ne suis globalement que peu enclin à aller voir un film “intelligent” et encore moins à me risquer à en faire la review sur Cineloutres.
Mais après avoir visionné l’histoire de Crulic, grâce à Matthieu de Cinécoulisses, je me suis dit que je devais en parler ici.
Basée sur une histoire vraie, dont seulement certains morceaux ont été adaptés, Le Voyage de Monsieur Crulic nous raconte l’histoire d’un homme, Claudiu Crulic, qui voit sa vie basculer le jour où il est accusé à tort d’un vol. Emprisonné à tort, il va affronter les méandres de la justice polonaise, en vain, puis entamer une grève de la faim, qui mènera directement Crulic à une fin sordide.
Vous l’aurez compris, le film est loin d’être joyeux. Mais du genre vraiment très loin. Malgré les touches d’humour noir disséminées le long de l’histoire, le ton du film est particulièrement poignant. J’ai vécu l’injustice de Crulic, ai ragé face à l’incompétence flagrante des différents acteurs de son état et ai été ému par sa finalité. Ce fut intense et cela est en partie dû à la première partie du film. Racontée par Crulic, après l’annonce de sa mort et bien que lente et un peu déroutante au début, celle-ci nous permet de nous attacher à l’homme et son destin. On y revit son évolution, avant sa chute, le tout sous une forme de critique de la société roumaine et polonaise, de sa justice, de son système carcéral, de son absence de travail et plus généralement de la vie des gens là-bas.
Un sujet complètement intello, qui me serait globalement passé dessus, n’étant pas franchement ma tasse de thé, si pour illustrer cette histoire forte la réalisatrice Anca Damian n’avait pas fait des choix artistiques qui m’ont passionné.
En effet, ce film d’animation retraçant la vie de Crulic joue avec différentes techniques du monde de l’animation. Alternant gouache, stop-motion, pâte à modeler, collages et bien d’autres encore, l’ensemble est vraiment très sympathique à regarder. En fait, énormément de scènes, jouant avec la technique choisie, profitent du rendu de l’animation pour jouer avec le contexte de l’histoire. Je prendrais par exemple les vieilles photos de lui bébé ou jeune enfant, qui sont ajoutées dans des scènes animées, donnant un petit côté flashback très intéressant ou encore le côté zombie des hommes fraises minimalistes de la première image, pour parler des petits boulots accessibles dans sa région. Globalement, tout le film est construit sur ce genre de choses : un ensemble de scénettes aux techniques d’animation différentes, dont on tire un maximum les capacités pour faire passer le message. Véritablement, une énorme expérience !
Et voilà, pour terminer, Le Voyage de Monsieur Crulic ce n’est pas à mettre entre toutes les mains. Avec son rythme très lent et son sujet difficile, il vaut mieux ne pas être fatigué sous peine de ne pas vraiment rentrer dans l’histoire et de ne pas profiter de la beauté du film qui, en plus d’un message émouvant et poignant, se paye le luxe de l’appuyer par un aspect visuel réellement intéressant.
Si en matière d’animation vous ne pouvez regardez que des films grand public et si un semblant de réflexion sérieuse vous rebute, alors passez votre chemin. Par contre, si l’envie d’une expérience intéressante vous prend, alors foncez !