Léa par Le Blog Du Cinéma
Léa, trois lettres pour définir une énergie vitale phénoménale, un caractère bien trempé, une volonté de réussir, un si grand désir de parvenir pour elle, et en aidant les siens : sa grand-mère. Léa, voilà l'héroïne du premier long-métrage de Bruno Rolland. Un beau portrait féminin et une belle plongée dans l'intimité de cette jeune femme, ainsi que dans les lieux communs de la ville et les lieux nocturnes « underground ». Ce jeune réalisateur autodidacte, né à Paris, mais ayant grandi à Tours, est surtout connu comme organisateur de festival et réalisateur de courts-métrages. Anne Azoulay ne s'est pas contentée d'honorer le rôle principal puisqu'elle a aussi participé à l'écriture du scénario. Filmer une fille d'aujourd'hui, tel était le désir du réalisateur. La rencontre d'une strip-teaseuse l'amène à réfléchir sur le pouvoir de l'image et son ascendance sur l'autre. Qui est vraiment Léa ? Une étudiante un peu paumée mouillée par la pluie et arrivant en retard à ses cours ? Une déesse de la nuit dont le corps affole les hommes ? La petite fille d'une femme qu'elle met tant de soin à accompagner dans la vie ? Le costume change... Le regard des hommes aussi... et indéniablement celui du spectateur, impressionné de cette métamorphose nocturne, alors qu'une scène avant, Léa faisait encore pitié de fatigue, de cernes, et de sa course éperdue contre la montre et le savoir. Léa, c'est l'incarnation des différents visages que la vie nous fait parfois endosser, c'est le corps qui s'habille suivant les circonstances, ce corps inconnu ou connu que par sa chair, ce corps à l'histoire inconnue, c'est aussi la démonstration que l'habit ne fait pas le moine. Rolland filme une jeune fille d'aujourd'hui dans toute la dualité, le contradiction et la complexité que sa personnalité peut offrir, mais il fait aussi le portrait d'un être déterminé, allant au plus profond de ses ressources physiques pour s'assurer la liberté d'un bel avenir.
Léa déboule dans l'appartement où elle vit avec sa grand-mère. Elle fait le ménage, a paraît-il beaucoup trop de cernes pour séduire un homme, et récupère les morceaux d'une lettre déchirée, peut-être annonciatrice d'un bel avenir. Elle est bienveillante bien qu'un peu brute de décoffrage, elle n'a pas l'écrin qui pourrait l'enjoliver. C'est une étudiante, simple, travailleuse, dévouée, qui a toutefois conscience de pouvoir séduire le jury de Sciences Pô par le calcul et le simple pouvoir des mots. Elle s'exerce devant la glace à mentir, à combler le vide d'un cv, à l'enjoliver, lui, au moins. Déjà la tromperie, déjà le masque, déjà le pouvoir des mots pour séduire autrui. Le corps, peu mis en valeur, semble subsidiaire jusqu'au jour où elle est embauchée comme strip-teaseuse. Débuts timides, jusqu'à la maîtrise parfaite du métier, jusqu'au pouvoir total sur des hommes qu'elle jauge de son regard maquillé, dans sa veste de smoking, seul parage à sa nudité bientôt et pour longtemps dévoilée. Mais à la ville, au petit matin, dans un café parisien, la donne est tout autre : elle dort, avachie, éreintée et, dans le lit de celui qui peut-être l'aimera, elle a du mal à se donner, elle rechigne, elle lutte... Le corps à nu ramené à la vie réelle n'a plus de défenses, il expose ses souffrances cachées, il les laisse se deviner, et il la laisse d'autant plus mystérieuse. Mais, Léa donne, elle donne aux autres, à sa grand-mère, qu'elle soigne de petites attentions... C'est sa liberté qu'elle va devoir chercher, quitte à abandonner toutes ses certitudes [...]
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