Film à ranger dans la catégorie des concepts, Lebanon obéit à une contrainte formelle stricte : l’intégralité du film se déroule à l’intérieur d’un char israélien, au premier jour de la guerre du Liban. Unité de lieu et huis clos vont donc permettre une tragédie étouffante, présentant les soldats comme des exécuteurs avant tout prisonnier d’une machine à tuer.
La promiscuité entre les différents personnages et la confrontation nécessaire à l’horreur de la guerre génère son lot de situations attendues, accrues par des artifices scénaristiques qui ne sont pas toujours de la plus grande subtilité : on convoie un mort, puis un prisonnier, diversement traité par les occupants de l’habitacle, et permettant d’évaluer un panel exhaustif des différents degrés d’humanité en temps de guerre. Les scènes les plus réussies sont celles de la camaraderie, et annoncent en cela les échanges authentiques et souvent un peu insolites qu’on retrouvera dans Foxtrott : c’est notamment une confession sur les sentiments confus d’un jeune homme qui se fit étreindre par sa prof lors de l’enterrement de son père et mêlait larmes et érection contre sa consolatrice. Le potentiel est là, la rigueur formelle présente, notamment dans un jeu sur les matières (le reflet dans l’eau, la rouille, la poussière ou la fumée), et l’atmosphère anxiogène plutôt bien rendue.
Mais comme tout film à concept, le dispositif va jouer avec ses contraintes. Samuel Maoz n’a pas pour ambition de se borner à filmer un espace exigu : le film de guerre suppose évidemment une interaction avec l’extérieur. Le recours à la caméra subjective par le biais du périscope va lui permettre cet écart. L’analogie entre le viseur de la caméra et celui d’une arme est abondamment soulignée, les mouvements du canon fonctionnant comme autant de travellings dessinant une dramaturgie d’un espace sous la menace de la destruction. Le problème, c’est que l’esthétique prend rapidement le pas sur le principe initial, et que le recours au viseur devient un alibi pour suivre les personnages à l’extérieur, capter les conversations et donc dériver vers un film conventionnel. L’esthétique dérive ainsi dans des séquences de FPS engoncées par la mécanique lourde et les bruits mécaniques de déplacement du canon, pour nous rappeler que non, on ne triche pas vraiment car oui, le préposé au canon balaie l’extérieur comme le ferait un reporter de guerre. Et ce qui devait advenir advient : ce qu’on voit avant tout, c’est ce concept devenu une fin en soi, et un carcan duquel on se joue avec malice.
En découle une parabole un peu artificielle dont la charge discursive est assez limitée. Ironie cruelle, ce film-tank manque un peu sa cible.