Après la guerre, on aimait beaucoup la comédie légère, c'était le triomphe public des films familiaux. Il semble que dans cette période il y ai eu toute une vague de films de jeunes, dont le sommet artistique fut "Rendez-vous de juillet" de Jacques Becker.
Le début de carrière de Grangier s'inscrit beaucoup dans cette atmosphère de légèreté. C'est un de ses tout premiers films, sur un scénario de Georges Lacombe et Gaston Modot. C'est aussi le premier travail du dialoguiste Jean Halin (Jean-Marie Hunebelle), un type très discret qui a pourtant écrit un nombre important de très gros succès du cinéma Français multi rediffusés. C'est produit par son père, André Hunebelle. La photo est de Philippe Agostini, qui a travaillé pour Jean Grémillon, Sacha Guitry, Julien Duvivier, Max Ophüls, Claude Autant-Lara, Jules Dassin, Roger Leenhardt, Robert Bresson, Marcel Carné, Louis Daquin ou Marcel Pagnol. Le montage est de Jean Sacha et la musique de l'inévitable Jean Marion, le gendre d'André Hunebelle. Pas une équipe de bras cassés donc.
On retrouve tout ce qui fait le charme désuet de cette petite maison Hunebelle. C'est ultra léger, avec un côté vieille France dans le bon sens du terme, et c'est très sincèrement soucieux d'amuser le spectateur. Comme c'est Grangier qui est aux commandes c'est beaucoup moins plat que quand André Hunebelle réalise lui même. La mise en scène est appliquée. Il n'y a aucun génie mais on ne s'ennui pas.
Odette Joyeux joue la petite bourgeoise jolie mais insupportable qu'une bande de jeunes garçons décide, avec l'accord de son père, de séquestrer pour lui réapprendre à vivre. L'intrigue est sans surprise et bien trop convenue (on a exactement la même dans "La boîte aux rêves" d'Yves Allégret et "L'amour, toujours l'amour" de Maurice de Canonge, décidément ça plaisait à l'époque), on comprend vite qu'elle va faire tourner la tête des trois garçons et qu'elle va finir avec le plus caractériel des trois, celui avec lequel elle a la relation la plus conflictuelle. C'est vu et revu, et pendant une grande partie du film ça ne décole pas vraiment, d'autant qu'Odette joyeux n'est pas toujours très subtile dans son interprétation. Son personnage est tellement typé qu'elle ne parvient pas à lui donner une vrai profondeur. Elle se contente d'être odieuse et mignone.
On sourit un peu, on partage avec Grangier et Halin le regard tendre qu'ils ont sur cette jeunesse, mais la vieillesse du film est trop perceptible. Sur toute la période ou Joyeux mène sa vie avec ses ravisseurs, on sait pertinemment à quoi s'attendre, et aucun gag n'arrache vraiment le rire. Gilbert Gil, Maurice Baquet et Bernard Lajarrige sont assez bons dans leur rôle, ils apportent un dynamisme qui étouffent l'ennui. Les dialogues d'Halin, sans être extraordinaires, sont travaillés et servent assez bien les comédiens. Mais il n'y a aucune surprise. On se dit "cette scène obligée là est cochée, suivante".
Ce qui sauve le film c'est le retournement final, quand elle se fait enlever par trois vrais gangsters avec lesquels elle a une dynamique tout à fait savoureuse. Il sont d'ailleurs très bien interprétés par Max Dalban, Yves Deniaud et surtout par le merveilleux Jean Tissier. Les dernières minutes avec ces trois là sont un pur régal.
A l'époque ça avait tout pour plaire, et ça a plu (2 151 613 entrées). C'est tout mignon, tout gentil, tout innocent, mais trop inconséquent pour marquer durablement.