J'ai été complètement charmé par la portée hermétique et primitive de cet étrange film fantastique inclassable. J’invite les cinéphiles avides d’oeuvres réellement atypiques qui sortent de l’ordinaire à le découvrir très vite car il détonne au milieu de la production de genre actuel. Une oeuvre absolument saisissante qui a le mérite d’offrir un fantastique ultra réaliste soit, une proposition de cinéma comme on en voit hélas trop peu ! Sortit en 2008 dans son pays, il a fallu attendre 2011 pour qu’une boîte française diffuse une première édition en dvd.
Left Bank possède son propre rythme et sa propre respiration, avance à tâtons mais captive toujours. Les cadrages statiques et froids interpellent et fascinent, et sans donner dans l’explicatif, l’ambiance comme l’intrigue distillent un parfum de mystère qui impressionne vraiment. Comparé à juste titre à Morse de Tomas Alfredson sortit la même année, le cinéaste belge dont c’est le premier film a une confiance absolu en ce qu’il filme et nous entraîne dans les quartiers populaires d’Anvers, pour suivre la vie d’une jeune athlète qui voit sa carrière de sportive se stopper soudainement quand elle se rend compte que sa santé physique se fragilise.
Elle commence alors à faire d’étranges rêves, tout en vivant une nouvelle relation amoureuse fusionnelle et charnelle …. et de chair il en est question tant l’esthétique du film met en avant le corps de l’héroïne (la magnifique et méconnue Eline Kuppensqui offre un jeu tout en nuance, très loin des clichés habituels), ou la sensualité et la chair en mutation séduit et rebute à tour de rôle, tout en développant hors champ une mythologie et un symbolisme païens. Cette sensibilité européenne fait en tout cas vraiment plaisir à voir : ça change de tous ses rites sataniques, de ses maison hantées et de ses tueurs masqués que le continent voisin nous a imposé pendant des décennies, sans dénigrer toutes ses oeuvres pour autant, bien évidemment !
De plus, l’aspect documentaire renforce l’angoisse et le trouble et on reste accroché à chaque séquence pour savoir quel est le fin mot de l’histoire. En bref, difficile de saisir et de comprendre les forces à l’oeuvre pendant toute la durée du film et il faudra attendre le final pour se faire sa propre interprétation. David Lynch n’est pas loin, Cronenberg non plus, mais avec une telle richesse scénaristique et un imaginaire onirique indéniable, ces subtiles références ajoutent encore au charme et à l’intelligence de cette oeuvre injustement méconnue.