Ridley Scott fait partie de ces cinéastes réputés qui me laissent indifférent. J’ai rien contre lui, je ne rechigne pas à voir un de ses films, mais il n’y a aucune de ses œuvres que j'apprécie plus que ça.
Et pourtant, avec Legend, j’ai de suite été captivé. J’y ai vu une preuve, bien trop rare, que le gros budget d’un blockbuster peut contribuer à donner vie à la vision d’un artiste qui sait ce qu’il fait. Que c’est plaisant de voir, pour une fois, tant de moyens mis en place à l’élaboration d’un monde d’illusions aussi sublime.
La photographie est à tomber, chaque image du film est tel un tableau. Que les plans soient pleins de contrastes ou qu’une teinte domine, c’est toujours somptueux et maîtrisé, les couleurs sont chatoyantes, et ce sans étalonnage numérique, ce qui est encore plus incroyable.
S’en retrouvent magnifiés des décors, accessoires et costumes déjà très soignés.
Tout est fait pour qu’on soit absorbé par cet univers de terreurs et de merveilles, bâti sur ces extrêmes.
Le mal absolu, Darkness, que la bonté répugne et qui a besoin des ténèbres pour vivre. Un être dark au possible, ce qui pourrait être risible s’il n’en imposait pas autant. Sa voix tonnante suffit à lui donner du poids avant même qu’on ne le voie vraiment ; et quand il apparaît enfin, il a simplement une présence phénoménale.
Et il y a la bonté, tout aussi extrême, incarnée par une belle et jeune princesse innocente, qui aime rendre visite aux pauvres gens, qui lui rendent sa gentillesse.
C’est assez niais, d’autant plus que les personnages sont régulièrement saupoudrés de paillettes. Je sais pas pourquoi, il y a aussi des bulles qui tombent du ciel, en pleine forêt.
La princesse Lili a pour ami Jack, un enfant sauvage incarné par Tom Cruise, qui en rajoute une couche avec son éloge des licornes. Tant qu’elles sont sur Terre, le mal ne pourra jamais dominer, il n’y a rien de plus magique, gnagnagna.
Peu à peu, je me suis rendu compte que la beauté qui m’avait frappé dans Legend compense les faiblesses du scénario, qui manque d’inventivité et d’ambition.
L’histoire ne va pas bien loin, c’est beaucoup trop linéaire et ça manque de réels rebondissements pour un film qui dure 1h53 en director’s cut.
Pour faire régner la nuit éternellement, Darkness a besoin d’exterminer les licornes. Un de ses goblins en tue une, et récupère sa corne qui sert de baguette magique, et cela plonge le monde dans un hiver qui fige tout le monde, sauf les héros.
Jack, accompagné d’elfes, de nains, et d’une fée, part secourir la princesse. Et en gros voilà, mais à 50mn et quelques, cette quête n’a même pas encore commencé.
L’aventure par la suite n’a rien de trépidant non plus, ça manque d’embûches, de réels dangers. On passe une bonne partie du temps à voir le groupe réunir des objets brillants pour refléter le soleil sur Darkness ! La seule réelle menace pour Jack, c’est cette créature femelle, qui parle beaucoup trop et agit trop peu pour qu’on ressente une quelconque tension. Et que le héros s’en débarrasse en la séduisant est ridicule.
L’évolution de Jack, d’un simple sauvageon à un héros, ne marche pas, pour les mêmes raisons. L’équiper d’une épée et d’une armure étincelante n’y change rien.
De plus tous les personnages sont vides, ils ne sont pas suffisamment creusés pour qu’on leur attribue une personnalité ou des desseins. Des réactions ou attitudes paraissent étranges, et certaines de leurs actions semblent sortir de nulle part, comme quand la fée veut que Jack l’embrasse.
Les maquillages de l’équipe de Rob Bottin rendent cool les créatures mais, comme pour aller de pair avec leur aspect grotesque, les nains ont un humour idiot plutôt lassant.
Même la mise en scène de Ridley Scott ne brille pas vraiment, si on excepte quelques passages légèrement expérimentaux et des choix d’angle de vue qui mettent en valeur les décors. Mais j’ai été surpris par quelques petits problèmes de saute d’axe, ou de valeur de plan ; des détails, mais qui font bizarre.
Quel dommage. Legend est un très beau film, mais qui ne mérite d’être vu que pour ça, et pour Darkness, qui en impose terriblement malgré, là encore, les faiblesses de sa caractérisation.
PS : Dans Labyrinthe, c’était l’entrejambe de Bowie qui me perturbait, ici c’est le monosourcil de Tom Cruise.
PPS : Je viens de voir que Tim Curry ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant depuis un AVC en 2012. C'est triste.