Donnie Yuen est talentueux. Donnie Yuen est incroyable. Le monde a besoin de mieux reconnaître le génie de Donnie Yuen. C'est un peu ce qu'a l'air de se dire Donnie Yuen quand il a l'idée de passer derrière la caméra pour la première fois avec Legend of the wolf.
Et le bougre n'y va pas avec le dos de la cuillère. Nous sommes en 1997 et les grands formalistes HK (Wong Kar-wai et Tsui Hark ; voire Sammo Hung) ont déjà enterré les Wu Xia Pian traditionnels mais Donnie, grand modeste devant l'éternel, veut enfoncer le dernier clou et jeter la dernière pelletée de terre au risque de défoncer le cercueil.
D'où un film totalement schizo, bordélique, mégalo(centrique) et imprévisible.
Donc oui, humblement, Donnie Yuen désire concurrencer les réalisateurs susmentionnés dans une réalisation sur-découpée, graphique, chaotique et survoltée. L'introduction est un moment assez fou avec une succession de travellings suivant dans différents mouvements, et dans un éclairage avant-gardiste, un homme face à une douzaine d'épéistes dans un bâtiment désinfecté. Les chorégraphies sont à peine esquissés, l'espace réduit à une seule ligne droite : seul compte la dynamique et l'énergie dans un élan rageur mais un peu redondant dans sa répétition des mêmes gestes. C'est à la fois virtuose et maladroit ; impressionnant et agaçant.
Il est comme ça Donnie.
Il ne sait pas différencier le grain de l'ivraie et s'en contrefiche d'ailleurs. Tout est bon pour qu'on s'esbaudisse de ses mérites. Comme le maquillage. le scénario, l'Actor studio etc...
Passée donc cette ouverture saisissante et déstabilisante, on passe dans un histoire assez pénible, prétentieuse et abracadabrantesque où Donnie Yuen, très âgée, est un tueur amnésique légendaire que des jeunes ambitieux aimeraient bien supprimer pour prendre sa place. Sauf que cela va lui réveiller des vieux souvenirs pour un long flashback autour d'un amour passé dans son village natal, attaqué par des brigands.
Partie moyennement passionnante avec une intrigue pour le moins légère et sans grande originalité. Cela dit, là encore, Donnie Yuen calme sa réalisation et cherche une approche plus intimiste et romantique. Mine de rien, il y a quelques très beaux plans et on devine même une certaine sincérité.
L'action était alors plutôt en retrait à un ou deux combats près....Pour mieux tout envoyer durant la dernière demi-heure qu'on pourrait considérer de "Epique".
Déjà le combat, à mi-film, dans une cabane en bois contre un homme muni d'une dangereuse chaîne montrait un réel savoir-faire, sec et efficace, compensant des chorégraphies assez peu élaborées au final. La fin, découpée en plusieurs acte qui sont autant de scènes d'action, va aller au delà de nos espérances.
Ca commence avec un grosse mêlée où les brigands viennent attaquer les villageois pour un nouveaux chaos sauvage et assez intense. Mais c'est surtout une fois que Donnie Yuen rentre dans le jeu que le film dévoile une énergie assez folle avec notamment un affrontement entre plusieurs combattants lancés dans une course éperdue. Tout en galopant dans un sous-bois, ils s'attaquent violement dans une série de longs travellings sous amphétamines qui culmine dans le face à face dément entre Donnie Yuen et un bad-guy munie d'un pistolet (aux munitions illimitées) et de multiples couteaux. N'ayons pas peur des mots, un moment anthologique d'une efficacité que je n'attendais pas dans un tel film. Le final est un peu moins marquant, bien qu'une nouvelle fois très dynamique où les coups pleuvent littéralement.
Bon, je me moque de Donnie Yuen et son melon légendaire (et réelle) mais il faut le remercier pour cette réalisation ambitieuse dont certains moments sont d'une maîtrise et d'une énergie insoupçonnées ! De quoi vouloir oublier le rythme sinusoïdale et les parties contemporaines vraiment médiocres. L'épilogue est tellement affligeant à ce titre qu'on se demande s'il ne s'agit pas de rajouts pour mener le film à 95 minutes.