Coquin le curé
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le 4 avr. 2014
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Jean-Pierre Melville a réalisé de nombreux grands films policiers durant sa carrière, Bob Le Flambeur (film policier et film de braquage aussi), Le Doulos, Le Cercle Rouge, Le Samouraï ... que des films policiers qui ont été grandement influencés par le cinéma américain. Jean-Pierre Melville était largement connu pour reprendre à son compte les codes du film noir américain. Son amour des films policiers et des films noirs américains a nourri ses films dans son écriture dramatique, tandis que le travail de grands auteurs français, tels que Robert Bresson ou Jean Cocteau, a inspiré sa direction artistique.
Le cinéma de Jean Pierre Melville est donc sous influence française et américaine. Concernant Léon Morin, il s'agit là d'une curieuse exception. Si des films comme Le Cercle Rouge ou Le Doulos étaient sous influences américaine et française, Léon Morin quant à lui c'est du 100% français.
Léon Morin est un film qui parle en partie de catholicisme, mais il ne s'adresse pas seulement à des catholiques. D’abord et avant tout, il s’agit d’un film sur des personnages, le prêtre Léon Morin (Jean-Paul Belmondo) et Barny (Emmanuelle Riva), confrontés à des réalités difficiles (la seconde guerre mondiale et les déportations) et trouvant différentes sortes de réconfort les uns avec les autres. Il y a une forte tension sexuelle entre Barny et Sabine (Nicole Mirel) au début, puis entre Barny et Léon Morin.
Je dois dire que Léon Morin est une étude de personnages assez fantastique et ça on le doit principalement à l'écriture du film (scénario adapté d'un roman de Béatrix Beck) et au jeu des acteurs (l'alchimie est évidente entre Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva). Léon Morin c’est le genre de prêtre avec qui vous pouvez avoir de longues discussions existentialistes, sans que vous vous sentiez manipulé ou endoctriné. C'est aussi le genre de personne avec laquelle vous pouvez être en désaccord et qui malgré tout, suscite un grand respect. Je suis sûr que ce film a ouvert les yeux de beaucoup de monde sur le catholicisme et sur la vie d'un prêtre.
Léon Morin aborde également les conflits de la Seconde Guerre mondiale, puisque le récit prend place dans une ville française occupée par les italiens puis par les allemands. Les problématiques abordées en temps de guerre sont intéressantes, ainsi on voit une petite fille sympathiser avec un occupant allemand pendant l'occupation, tandis que lors de la libération on voit Barny se faire harceler par un libérateur américain, au point où elle échappe de peu au viol. On voit que Jean-Pierre Melville veut combattre les préjugés avec ce film.
Mais toujours est-il que Léon Morin n’est pas vraiment un film de guerre. La guerre est toujours présente d’une manière ou d’une autre, mais seulement en toile de fond. Le montage initial du film faisait 3h00, mais Jean-Pierre Melville décida de couper une grande partie de l'histoire qui tournait autour des déportations, pour se concentrer uniquement sur les personnages de Léon Morin et Barny ... une décision qu'on ne peut que saluer.
Le principal intérêt du film selon moi, c'est de décoder les sentiments que les personnages ont les uns pour les autres. Avec une belle et jeune femme qui est amoureuse d'un jeune et beau prêtre, il est facile de s’attendre à un gros cliché, mais le film a très bien su gérer la chose...
Il est évident que Barny veut coucher avec le prêtre, son désir pour lui ne fait que grimper tout au long du film. C'est montré avec beaucoup de subtilité, des petits gestes, des regards, des discussions, des silences ... et puis le rêve où elle fantasme de coucher avec lui, à ce moment là il n'y a plus aucun doute. Mais alors on se pose forcément la question suivante, est-ce réciproque ? Là aussi c'est montré avec beaucoup de subtilité, la recherche du contact physique dans l'église puis dans le presbytère, le fait qu'il s'invite chez elle ... mais alors, est-ce que cet amour va se concrétiser ? Bien sûr que non. Le film évite heureusement tout cliché et le prêtre quitte le presbytère et s'éloigne de la ville, pour justement ne pas succomber à son désir pour elle ... pas de happy-end ici, fort heureusement. Léon Morin n'est pas une comédie romantique, c'est un film dramatique.
Léon Morin n'est pas un film parfait. C'est un film bavard, présentant une discussion philosophique sur la religion et le catholicisme qui parfois donne l’impression d’aller nulle part. Jean-Pierre Melville semble filmer les dialogues du roman qu'il a sélectionné au petit bonheur la chance, avec bien sûr la voix off qui dicte la pensée de l'héroïne dans le roman. On a vraiment l'impression d'avoir affaire à un réalisateur qui filme le roman.
Mais voilà, la justesse des dialogues de Béatrix Beck, ainsi que les magnifiques performances d’Emmanuelle Riva et de Jean-Paul Belmondo, l'emportent sur tout le reste. Emmanuelle Riva tout particulièrement est époustouflante, c'est de très loin la meilleure performance d'actrice de toute la filmographie de Jean-Pierre Melville.
Léon Morin est un film surprenant ... surprenant au sein de la filmographie de son réalisateur, surprenant dans le choix de Jean-Paul Belmondo pour jouer un prêtre en soutane et surprenant dans sa représentation de la vie dans une ville occupée. C'est aussi un film sincère, intelligent et plein d'humilité ... vraiment un très beau film.
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Créée
le 13 août 2022
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