Julia, enceinte, est incarcérée dans une prison pour jeunes mères, pour le meurtre de son petit-ami. Leonera se déroule quasi entièrement au sein de cette prison argentine dans laquelle les femmes ont la possibilité de garder leurs enfants jusqu’à leur quatre ans. C’est typiquement ce qu’on pourrait appeler un film de scénario, puisque c’est lui qui préserve l’intérêt du film. C’est lui qui choisit de ne pas faire de ce film le récit du quotidien d’une mère en prison mais de l’agrémenter de tout un tas de micro-rebondissements et d’une construction faite d’ellipses pour concentrer les nombreuses années de sa détention. C’est le scénario qui définira le climat définitif : Savoir si Julia restera aspirée dans cette spirale de cruauté ou si dans un élan téméraire, le film lui offrira la lumière. C’est lui qui choisit de ne pas nous dévoiler ce qu’elle et son ami savent : Est-elle coupable ou non du meurtre de son mec ? Bonne idée ceci dit dans la mesure où le film ne s’y intéresse pas suffisamment (il préfère se pencher sur le destin de la jeune femme, qu’importe si elle a tué dans un accès de folie/jalousie ou si elle est tombée dans un piège) pour le compter parmi sa mécanique à suspense. C’est le scénario qui choisit aussi de faire de ces personnages qui gravitent autour de Julia de purs side-kick parfois attachants (Marta, par exemple) mais trop souvent dessinés grossièrement. Quand le film pourrait glisser vers quelque chose de poétique voire fantastique (l’émeute, la sortie conditionnelle) il ne s’ouvre pas et ce dans quoi il s’engouffre est ce qu’il avait de plus prévisible dans son chapeau. Donc le film est plutôt réussi quand il raconte l’emprisonnement de cette femme enceinte, paumée, mutique – Trapero sait installer une ambiance et l’intérieur de cette prison, avec ces cris de bébés partout, ces jouets, ces lignées de poussettes, ces tas de couches et ces femmes souvent nues ou à demi-nues car bien enceintes ou allaitant leurs marmots, offre un univers qu’on voit peu si ce n’est (mais sans les grossesses) dans la série Orange is the new black. Avec dans la lorgnette l’inéluctable séparation d’avec leurs enfants, suivre et seulement suivre le destin de ces mamans atypiques suffisait à faire un beau film à mon avis – Même si l’idée de la double figure maternelle, avec cette femme qui doit « se séparer de » sa propre mère pour espérer le devenir est une belle trouvaille en miroir. Je serai plus réservé sur des choix de filmage franchement gênants (qui posent plus qu’ils ne racontent) à l’image de ces incessants travellings arrière (qui démarrent sur des visages pour finir en plan d’ensemble, pour souligner la solitude certes mais surtout par souci esthétique) et de ces embardées caméra à l’épaule derrière son personnage. Entre Haneke et les Dardenne, Trapero peine à choisir sa voie. D’autant qu’il y filme sa femme, Martina Gusman (Julia, donc) et qu’il ne parvient pas à créer de l’empathie, tant elle est n’est qu’un bloc glacé perdue dans un scénario cousu et une mise en scène plombée. Quand le film s’ouvre et se ferme sur la même comptine enfantine on se dit qu’il avait peut-être plus de choses à raconter avec les enfants. En l’état ils n’existent pas non plus. Sur un sujet similaire je préfère nettement Ombline, avec Mélanie Thierry.