C'est l'histoire de la vie

Avec un titre pareil, pour sûr que Les 4 Ames du Coyote est un film qui n'en manque pas, d'âme. Avec un petit truc en plus. Peut être l'étrangeté de voir un réalisateur hongrois s'emparer de la mythologie amérindienne pour la porter à l'écran au format animation, et sans risquer les accusations d'appropriation ? Non, car ça, le masqué, il ne le savait pas en entrant dans la salle, hardie dans sa programmation, qui projetait l'oeuvre.

Le charme de l'entreprise tiendra plutôt dans l'atmosphère qu'elle adopte, enivrante, parfois un peu évanescente, qui ne s'interdit pas grand chose au risque de perdre sans doute les plus petits qui assisteront à la projection.

Car Les 4 Ames du Coyote a beau être un film d'animation, avec tout ce que cela implique dans la tête du grand public, l'oeuvre adopte une perception du monde atypique balançant entre mysticisme et onirisme qui, si elle est en phase avec les légendes natives, pourra dérouter dans un même mouvement, comme le graphisme anguleux retenu pour figurer les traits des personnages humains.

Un feeling qui a sans doute plu, en 2023, au Jan Kounen qui tentait naguère, avec Blueberry : L'Expérience Secrète, de trouver une nouvelle voie au sein du cinéma français. Un mood qui ne sera pas non plus sans rappeler par certains aspects les aspirations de Terrence Malick.

Si Les 4 Ames du Coyote s'ouvre sur un conflit écologique aux accents fortement manichéens, son coeur bat ensuite au rythme de la création du monde telle qu'envisagée par les natifs, un récit rapidement désenchanté mêlant plusieurs légendes créationnistes, la nature profonde de l'homme créé par un coyote machiavélique et la difficile cohabitation avec la nature.

Le symbolisme limpide des figures convoquées, la pureté de l'animation, le délicat mélange de 2D et de 3D, le fait que Aron Gauder se permette de porter à l'écran des images crues et parfois cruelles, tout cela concourt à faire de ces 4 Ames du Coyote un petit concentré de spiritualité, porté par de puissantes voix et chansons indiennes hypnotiques soulignant l'expérience sensorielle proposée et comme hors du temps.

Au point de regretter quelque peu que ces 4 Ames raccrochent in fine avec l'histoire et le monde réel, comme s'il était nécessaire de porter l'évidence d'un propos, alors même que les légendes portées à l'image pouvaient sans doute se suffire à elles-mêmes. Car il est évident, finalement, que le serpent ne fait que se mordre la queue, l'histoire et les oppositions ne faisant que se répéter, dans un ouroboros jusqu'ici impossible à éviter...

Behind_the_Mask, Coyote Ugly.