La Fox voulant garder les droits des Fantastic Four, a dû lancer un reboot en toute hâte mais a eu la bonne idée de confié ce reboot à Josh Trank. Déjà auteur et réalisateur du formidable Chronicle, qui traitait du mythe du super-héros avec une approche diablement originale et torturée, il était le cinéaste idéal pour faire revivre ses héros. Tout dans son premier film était là pour nous rassurer que son reboot serait une réussite, de la cohésion de l'équipe, l'amitié qui unit les protagonistes et en allant même poser les questions sur la différence. Malheureusement, le studio s'est senti obligé d'intervenir, voulant mêler cet univers avec celui des X-Men, le tournage est devenu un carnage, des re-shots on été fait à la va-vite et tout promettait au final, une véritable catastrophe. Et il est indéniable qu'en l'état le film est un ratage, mais dans ce combat d'une vision de metteur en scène face aux impératifs du studio quelque chose de fantastique s'en dégage. De ce film schizophrénique une grâce émane, rendant l'ensemble mauvais par bien des aspects mais aussi, indéniablement fascinant. Un film qui est le miroir parfait d'une époque malade qui veut laisser croire qu'elle donne de l'importance aux cinéastes mais qui sert la bride pour correspondre à un cahier des charges générique et générer du profit.
Il est assez triste que l'on soit dans une époque où les gens se fichent des développements psychologiques de leurs héros. Lorsque l'on voit certains critiques qui disent que l'on se fichent des états d'âmes des personnages, que l'on veut de l'action, du fun et de l'humour. Qu'on cherche tout simplement l'infantilisation, la simplicité et que en aucun cas on ne veut être pris pour autre chose qu'un spectateur neuneu. Les films du MCU sont en ça des films de surfaces, qui ne prennent jamais rien au sérieux à part les profits qu'ils génèrent, ce sont des films sans inventivités, qui se répètent et qui ne laisse aucunes places à l'inventivité ni à l'originalité. Ce sont des clones qui semblent vouloir se répéter à l'infini malgré quelques innovations qui font sortir le spectateur de sa torpeur pour lui donner envie de poursuivre l'aventure. Ces films s'apparentent parfois à un lavage de cerveau, on se sent obligé de continuer la route pour espérer voir le bout du chemin, on ne peut même pas les considérer comme mauvais car il reste relativement bien fait dans une certaine mesure et offre ce que l'on est en droit d'attendre; un divertissement abouti. Mais malgré cet enrobage de sucre, on est en face de produits opportunistes qui veulent exploiter un filon juteux jusqu'à l'extrême en broyant les cinéastes qui y sont affiliés, en nous jetant de la poudre aux yeux pour nous faire croire que ce sont eux qui sont en charge. Alors que malgré quelques tics assez identifiables, pour montrer quand même qu'ils engagent des cinéastes, ceux-ci sont broyés par la machine aseptisant relativement leurs styles. Parmi eux, ils y à ceux qui se plient aux règles, ceux qui quittent les projets en cours de route pour pas se compromettre et ils y a ceux qui se battent jusqu'au bout pour faire valoir leurs visions sur le projet, quitte à offrir un film indigeste.
Et c'est dans cette branche que s'impose Josh Trank, qui a voulu imposer son style malgré un studio sans pitié qui est venu ruiner son film. Car les deux premiers tiers sont vraiment réussis, malgré des dialogues souvent risibles qui veulent beaucoup trop jouer la carte de l'humour, et qui génère des jeux de mots catastrophiques et affligeants. Néanmoins on est devant un film qui prend son temps sur l'exposition des personnages et de leurs univers, travaillant leurs relations avec une naïveté qui n'est pas sans rappeler les vieilles productions Amblin ( elles ont clairement été à l'honneur cette année ) et offrant des personnages à la psychologies plus travaillées et intéressantes que les productions du MCU. On retrouve les questionnements adolescents qui intéressaient Trank dans Chronicle, avec le rapport au corps qui est en mutation, nous renvoyant légèrement aussi en deuxième partie aux premières œuvres de Cronenberg. Il y a aussi le traitement de l'amitié masculine que l'on retrouve ici et qui était au cœur de Chronicle, mais cela à pour cause que le film n'exploite pas assez son seul personnage féminin. Elle est souvent mis à l'écart des événements et manque de développement par rapport aux autres personnages. Ensuite l'approche qu'a le film sur ses personnages est assez intéressant, plus réaliste et torturé, exploitant assez bien les questionnements sur la différence et l'exploitation. Les deux premiers actes sont donc relativement originaux dans leur approche, emmenant le spectateur là ou il ne s'attendait pas, même si il a tendance à trop utiliser les facilités scénaristiques notamment dans la scène où les héros décide de se téléporter dans l'autre planète. Tout va véritablement basculer dans le dernier acte du film, qui décide d'introduire à la dernière minute un méchant d'envergure, précipitant les événements et ainsi bâclant le climax, mais aussi les motivations et la psychologie du méchant qui sur le papier était loin d'être inintéressante. Il aurait même pu être un des méchants les plus intéressants de Marvel si il avait été développé correctement. Le laisser pour une éventuelle suite aurait été plus judicieux. Au final, ce troisième acte est le fruit d'un studio qui voulait que le cahier des charges soit respecté et d'un réalisateur qui n'avait plus de passion pour une fin qu'il ne voulait sans doute pas. On est donc en face d'un climax empli de clichés, de facilités et de moments grossiers qui ne respectent même pas les personnages qu'il avait mis en place au début. Une fin en totale décalage au reste, qui vient achever le film et les intentions premières du réalisateur. Après les deux premières parties n'étaient pas parfaite, loin de là mais elle se tenaient et se montraient plus originales et astucieuses que prévu alors que le dernier acte n'est qu'une insulte et un immense ratage.
Néanmoins le casting est là pour maintenir à peu près l'ensemble, Miles Teller apporte une dimension intéressante à son personnage, lui offrant un charisme et une profondeur bienvenue tandis que Tobby Kebbell compose un personnage nuancé et complexe avec beaucoup de justesse, arrivant à être à la fois attachant et inquiétant. Le design final de son personnage est d'ailleurs assez classe et bien pensé. Sinon le reste du casting se révèle tout aussi bon, Jamie Bell est impeccable, Kate Mara est très naturelle dans sa manière de joué mais reste en retrait malheureusement, tandis que Michael B. Jordan en impose malgré le faite qu'il doive se coltiner des répliques ridicules. Après les rôles secondaires sont beaucoup plus dans la caricature et le cabotinage à l'image d'un Tim Blake Nelson en roue libre. Le film arrive néanmoins bien à justifier le faîte que les personnages soit si jeunes, et les acteurs offrent une nouvelle version diablement réussie et charismatique des Fantastic Four, en espérant que si suites il y a, elles seront en mesure de les exploiter correctement.
Pour ce qui est de la réalisation, celle-ci est assez bancal, les effets spéciaux manque parfois de finitions ayant un rendu global tantôt convenable tantôt moche, la photographie se montre assez bien travaillé tandis que le montage assure un rythme assez soutenu au film malgré une mauvaise gestion des ellipses et un troisième acte trop précipité. Par contre la musique du film se montre vraiment inspirée ( excellente idée d'avoir engagé Philip Glass ) dans ses tonalités minimalistes et exaltantes. La mise en scène de Josh Trank se montre globalement maîtrisée malgré un final en total perte d'inventivité, qui se montre incroyablement pauvre et figé. C'est la seule vraie scène d'action du film et elle est expédiée ainsi que mal pensée. Après Trank se montre plus habile dans les moments intimistes, notamment quand il s'intéresse à l'apprentissage des héros, d'ailleurs il fait preuve d'une inventivité bienvenue lorsqu'il met en scène leurs pouvoirs, notamment quand il s'intéresse au personnage de Reed Richards. Il offre aussi une scène d'une noirceur absolue et d'une violence assez inattendu lorsqu'il s'intéresse pour la première fois au pouvoir de Doctor Doom. Une scène très tendu et qui fait son petite effet mais qui rend encore plus dommage la sous-exploitation du personnage. Après globalement le film manque parfois d'envergure, préférant se terrer dans les bâtiments scientifiques plutôt que de profiter de grands espaces, mais il y a un contraste assez intéressant qui en ressort. Le film faisant le pari osé pour un blockbuster estival de préféré l'intimiste au grand spectacle. C'est d'ailleurs cette envie de spectaculaire qui sera au final le défaut principal du film.
En conclusion Fantastic Four est un film attachant malgré qu'il soit bourré de défauts. Souvent mauvais dans ses dialogues, dans ses tentatives de spectaculaires ou encore dans sa gestion du rythme en fin de partie. Il est aussi emprunts de belles fulgurances dans sa manière de réinventer les personnages et de leurs donner une origin story plus originale que prévu. Évitant la plupart des pièges des productions superhéroiques pour offrir une vraie dimension à ses personnages en ne renoncant quasiment jamais à son approche intimiste. C'est le combat entre un film d'auteur habile et un film de studio sans âme et générique qui offre une oeuvre fascinante qui reflète parfaitement le paradoxe et la schizophrénie de notre époque. C'est donc un film raté dans ses intentions, à cause d'un final qui renie ce qui a été fait avant, un film malade car il jongle constamment entre médiocrité et fulgurances et c'est loin d'être le film de super-héros le plus réussi de la décennie mais il fait clairement partie des plus intéressants de ses deux dernières années. C'est sans aucun doute le meilleur film que l'on ai eu sur les Fantastic Four et on ne peut qu'espérer que les responsables arriveront à comprendre leurs erreurs pour permettre de faire une suite aboutie, et que cette sympathique équipe ait enfin le film qu'elle mérite.