Oeil pour oeil, DENT pour DENT !
-Je veux me convertir. -Vous êtes... -Je veux me raser la tête. Je veux embrasser le bouddhisme. -Le mont Wutai est loin de tout. Vous n'avez pas ménagé votre peine pour venir jusqu'ici...
le 16 déc. 2018
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-Je veux me convertir.
-Vous êtes...
-Je veux me raser la tête. Je veux embrasser le bouddhisme.
-Le mont Wutai est loin de tout. Vous n'avez pas ménagé votre peine pour venir jusqu'ici. Puis-je savoir ce qui vous amène?
-Maître, plus rien ne m'attache au monde. Je veux devenir moine.
-Bouddha soit loué. Il y a dans votre regard triste une lueur meurtrière. Il ne faut pas nous rejoindre sur un coup de tête.
-Maître, attendez ! Vous ne me demandez pas qui je suis?
-Je me suis détourné des affaires terrestres depuis longtemps déjà. A quoi me servirait de connaître votre nom ?
-Je suis Yang Wu-Lang accusé de traîtrise.
Les 8 Diagrammes de Wu-Lang est un film hongkongais d'arts martiaux produit par le studio Shaw Brothers en 1983, il fut le deuxième film de la firme à traiter des valeureux guerriers de la famille Yang illustré 12 ans plus tôt par l'excellente oeuvre Les 14 Amazones.
Les 8 Diagrammes de Wu-Lang est une oeuvre un peu spéciale car elle est le dernier long métrage du comédien Alexander Fu Sheng, qui était une star de cinéma très talentueuse et prospère des années 70 à Hong Kong, décédé dans un accident de voiture alors que le tournage n'était pas encore terminé.
Le comédien Alexander Fu Sheng incarnait un rôle phare sous les traits du 6 ème frères, c'est pourquoi on remarque sans mal que le personnage de Sheng disparaît d'un coup à l'écran, pour laisser place à sa soeur fictive de l'histoire, et ceci sans aucune réelle explication. Tout au plus survolé. Sur le moment, j'y ai vu un énorme défaut scénaristique. Un problème qui bien entendu sera remis en question après le constat amère de son décès.
C'est avec cette difficulté larmoyante que le réalisateur Liu Chia-Liang du composer.
Tout comme Les 14 Amazones, Les 8 Diagrammes se passe après la bataille de Jinsha, à la différence qu'il y a tout de même trois survivants après la confrontation, alors que dans l'autre, tous les hommes Yang finissent par mourir laissant leurs femmes prendre le relais. Il y a entre les deux récits une différence notable, puisque Les 14 Amazones est avant tout un péplum, alors que Les 8 Diagrammes est avant tout un film d'arts martiaux basé sur le kung-fu. Si pour le premier la dimension véridique et plus terre-à-terre de la légende est mis en scène, ici l'histoire on s'en moque un peu, c'est avant tout un prétexte pour envoyer bon nombre de duels martial artistique.
Le cinéaste Liu Chia Liang joue brillamment de la caméra, se servant habilement de sa mise en scène pour dépeindre une purgation libératoire, dans laquelle il extériorise sa frustration à travers ses images. Un vrai défouloir ! Il peut compter sur les excellentes musiques de Chin Yung Shing et Chen-Hou Su, livrant des titres puissants qui seront repris par le grand Quentin Tarantino pour sa saga Kill Bill.
Les décors sont à la fois pauvres et superbes, tournés majoritairement en studio. Autant on a droit à un étonnant rendu dans une auberge ou un temple, autant le reste fait vraiment décors de pièce de théâtre. Les costumes s'adaptent bien avec les éléments.
L'intrigue met en place de nombreux combats, tous superbement chorégraphi'és, d'une inventivité déroutante et surtout jubilatoire. La confrontation finale avec la technique des " crocs de loups " (qui fait la joie de la petite souris vu qu'elle arrache les dents de ses adversaires, facilement une trentaine de dents arrachées) est un vrai coup de poing dans l'estomac. Les fils Yang, bien que désespérément casses oreilles à hurler beuglement comme des enragés avec deux de neurones, livrent de superbes performances physiques. C'est le Qiang (Lance) et le bâton qui sont mis à l'honneur, ainsi l'on peut voir des affrontements originaux dont un combat entre Gordon Liu et Philip Ko aux petits oignons, avec une utilisation des éléments extérieurs dans les chorégraphies ingénieuses. L'art du bâton n'aura que rarement été aussi bien illustré que dans ce film.
Il est intéressant d'assister à l'entrainement au baton du héros face à un loup en bois articulé pourvu de crocs d'acier, avec comme objectif de briser les crocs de la bête afin de battre sans pour autant donner la mort. L'âme des guerriers moines bouddhistes dans toute sa philosophie.
Les phases de combats sont de qualités et tant mieux, car le récit est d'une pauvreté assez affligeante, avec un scénario maintes fois vus et revus, avec la vengeance (une fois de plus) comme moteur principal. On assiste au même cheminement scénaristique que tant d'autres, un héros après avoir été vaincu s'enfuit pour rejoindre un temple bouddhiste où un maître d'arts martiaux le formera à devenir encore plus fort pour finalement pouvoir se venger.
Cette oeuvre est reconnue par beaucoup comme étant la plus forte en violence et en hémoglobine de la Shaw B. Certes j'en conviens les bagarres sont particulièrement intenses, brutales et assez sanguinaires, mais il ne faut pas non plus exagérer. Certains autres titres comme Les 14 Amazones (où on voit de la torture et des têtes arrachées et crucifiées à des poutres), L'Ombre du fouet (où on vois des hommes se faire démembrés), la saga le sabreur manchot... sont assurément plus violent et sanglant. Je ne cherche nullement à amoindrir l'oeuvre qui reste de qualitée et d'ingéniositée dans ses actions.
Certains personnages sont mal écrits et viennent à disparaître sans qu'on en reparle plus tard, (je ne compte pas l'acteur Sheng étant décédé durant le tournage) comme le 4ème frère qui est capturé et dont on entend plus jamais parler. Le 6e frères joué par Alexander Fu Sheng, est grossièrement surjoué. Je lui accorde le crédit qu'il est censé être très attristé par la mort des siens, en venant finalement à péter les plombs ce qui est assez logique, mais bon Dieu qu'il en fait des tonnes ! Il enrage, jure, crie, bave on croirait un cochon entrain de se faire trancher la gorge. Faute à une mauvaise direction de comédien, et une écriture vraiment superficielle.
Vient enfin Gordon Liu le 5e fils toujours aussi souple et endiablé ! Souvent représenté de sa tenue bouddhiste, entourée de fagots de bambou dont il a une bonne utilité dans une scène précise de ce film. Le comédien est à l'origine de certain des plus grands films de la Shaw Brothers et au plus souvent sous les traits d'un moine.
Un héros de fiction d'arts martiaux a-t-il jamais été aussi grandement lié à l'image du moine guerrier chauve que Gordon Liu ?
Ce qui fait la magie de ce comédien se retrouve être également son point faible pour cette oeuvre, car le parcours initiatique de son personnage, ressemble étroitement à celui qu'il endosse dans sa trilogie " La 36e Chambre de Shaolin ". Pourtant le message final est à l'opposé, puisque dans La 36e chambre de Shaolin Gordon Liu vient à délaisser sa colère et sa vengeance au profit de l'éducation d'autres jeunes moines (se laissant totalement envahir par le sens idéologique du bouddhisme), alors que dans Les 8 Diagrammesil prend tout par la colère qui l'anime, endossant lui-même le titre de moine par la force, pour atteindre sa vengeance et finalement renier ce précepte, ainsi que sa famille pour partir là où le monde le conduira. Comme le démontre si bien la superbe séquence finale où il s'en va vers le soleil couchant, prônant sa liberté auprès de sa 8ème soeur en lui confessant " le monde est ma maison ".
Kara Hui Ying Yung une habituée de la Shaw Brothers incarne la soeur numéro 8, elle apporte une touche féminine positive avec sa force tranquille qui vient un peu apaiser les (trop) nombreux pétages de plombs de ses frères. Elle prête sa puissance martiale à Gordon Liu de manière efficace et ne se retrouve nullement effacée par celui-ci. Il est ironique de se dire qu'elle doit ce rôle à la mort de Sheng qui aurait dû à la base être le personnage rejoignant son frère dans la lutte finale.
Côté antagoniste c'est bof le général Pan Mei passe un peu pour un incapable appuyer par deux énergumènes qui voient pas plus loin que le bout de leurs nez.
Enfin je terminerais par l'actrice Lily Li Li Li, qui joue la Grande Dame Yang qui se trouve être celle qui moleste son fils devenu timbré, bien que sympathique elle est de loin inférieure à l'incarnation parfaite de la Grande Dame par Lisa Lu pour le film Les 14 Amazones.
CONCLUSION :
Les 8 Diagrammes de Wu-Lang est une oeuvre instable pourvue d'un nombre conséquent de défauts : " entre un scénario quasi inexistant déjà vu et repompé, des acteurs en roue libre qui en font des tonnes, des décors irréguliers, une narration approximative... " il est difficile d'adouber à 100% ce film, qui mériterait presque d'être vu que pour son acte final qui est superbement valorisé. Néanmoins, je prends en compte qu'il reste la dernière oeuvre du comédien Alexander Fu Sheng, ainsi qu'une ode à Gordon Liu avec son fameux personnage du moine bouddhiste chauve. Même s'ils incarnent des personnages qui majoritairement ne font que geindre et gueuler pendant plus de la moitié du long métrage, celui-ci mérite son pesant d'or.
7/10
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le 16 déc. 2018
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