Wyoming, quelques années après la guerre de sécession, huit personnes peu recommandables se retrouvent bloquées par un blizzard dans un chalet en pleine montagne. L’une d’entre elles, un chasseur de prime, transporte une fugitive dans le but de toucher la récompense pour sa tête. Très vite, la paranoïa s’installe dans la petite cabane.


Dès la lecture du pitch mais également lors du visionnage du film, le parallèle avec "Reservoir Dogs" est inévitable de par les nombreuses similitudes qui lient ces deux films (une bande de malfrats coincés dans un espace clôt qui commencent à se soupçonner les uns les autres, une déconstruction du récit qui est chapitré, etc…). Mais Tarantino arrive à donner à son dernier film quelque chose d’unique, une ambiance nouvelle que l’on ne retrouve dans aucun de ses autres films.


"The Hateful Eight", c’est une enquête policière à laquelle on ne peut participer car l’issue ne peut être que fatale (en même temps quand on voit qui se trouve derrière le scénario). Une chose qui peut gêner car mis à part un ou deux éléments de décor, rien ne nous permet d’arriver à une conclusion par nous-même vis-à-vis de cette affaire. Mais l’intérêt du film se trouve autre part.


Pendant près de trois heures l’ennui ne pointe pas une seule fois le bout de son nez, notamment grâce à la réalisation de Tarantino mais aussi du fait de ses dialogues, toujours aussi plaisants, drôles et originaux. Durant toute la première partie du film, les premiers personnages nous sont présentés et une tension commence à s’installer. Tension qui, à l’instar du blizzard à l’origine des mésaventures de nos salopards, arrive lentement mais surement.
Une première partie où le réalisateur prend son temps, ce qui peut surprendre d’ailleurs. Là où Tarantino ouvrait "Inglourious Basterds" sur le massacre d’une famille à la tension extrême, et son premier western "Django Unchained" sur la libération violente d’esclaves par une nuit étoilée, ici il nous offre un plan séquence en guise d'ouverture, où une diligence avance vers nous, sous la neige. On sent, surtout lors de la première partie du film, que Tarantino est beaucoup plus posé que pour ses autres œuvres, filmant au passage des paysages à couper le souffle qui exposent le cadre mais qui contribuent également à cette sensation de huis-clos qu’il veut nous faire ressentir d’abord dans la diligence, puis dans l’auberge.
Certains plans extérieurs de nuit rappellent bien évidemment "The Thing" de John Carpenter (ce magnifique plan sur les latrines durant la tempête de neige en étant le meilleur et le plus bel exemple), dont un morceau non utilisé de la bande originale est repris ici, pour aller avec la celle du film de Tarantino, composée aussi par Ennio Morricone, et aidant à donner au film son ambiance particulière. Une bande originale qui cette fois-ci, ne comporte que trois chansons hors-composition originale, ce qui montre la volonté de Tarantino à véritablement construire quelque chose de différent, tout en conservant son côté décalé et violent qui fait la sève de sa filmographie.


Et si les dialogues contribuent à installer ce stress ambiant, ils ne seraient pas aussi appréciables sans l’immense travail du casting. Entre le hargneux Kurt Russell, la flippante Jennifer Jason Leigh ou encore l'espiègle Tim Roth, chaque personnage a le droit à son temps d’écran et peut ainsi se présenter au spectateur. C’est ce qui fait la force du film : dans "The Hateful Eight" il n’y a pas de héros ni de personnage principal. Comme le laisse supposer le titre du film, on assiste ici à la réunion de huit personnages détestables mais qui en plus se détestent, ce qui fait de "The Hateful Eight" peut-être le film le drôle de la filmographie de Tarantino. Entre l’extrême violence toujours aussi jubilatoire, les dialogues de certains personnages niais et les moments incroyables d’incompréhension qui nous laissent bouche-bée, on ne peut que rire de, puis avec ces imbéciles sans cœur qui se tirent dans les pattes.
"The Hateful Eight" c’est avant tout une pièce de théâtre à l’humour noir qui pourra en gêner plus d’un.


"The Hateful Eight" combine donc la construction des premiers films du réalisateur et le délire de ses derniers longs-métrages. Au final, même s’il ne restera pas dans les annales contrairement à un "Reservoir Dogs" ou un "Pulp Fiction", s’il ne brille pas par sa grande originalité, étant plus ou moins prévisible, et s'il possède quelques petites incohérences, "The Hateful Eight" n’en reste pas moins très drôle et vraiment plaisant à regarder.

Tocotoc
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le 29 déc. 2015

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