Je n'irais pas voir Les 8 Salopards.


Ce mercredi sur Europe 1, Bruno Cras chroniquait le dernier film de Tarantino, 8 Salopards. « Au contraire de ses films passés, » disait-il en substance, « ces 8 Salopards-là sonnent totalement creux : c’est la pornographie de la violence. De la violence, sans aucun sens. Rien que de la violence »


Violence sans conscience n’est que ruine de l’âme, comme dirait l’autre…


C’est bien, on progresse.


Depuis longtemps, nous avons critiqué ce vide intersidéral qui habite les films du génie cinématographique de Knoxville, Tennessee. Depuis Kill Bill, en fait, mais ça s’applique à tous ses films*. Dans Kill Bill, la séquence de combat dans la neige était à couper le souffle, mais quel message véhiculait-elle ?


A l’époque (et toujours aujourd’hui), dès que nous prononçons le mot message, ou morale, les interlocuteurs sortent le revolver. Les sourcils se dressent, et les regards grimpent au plafond.


Pourtant l’art, c’est ça. Pire, ça a toujours été ça. La recherche du beau n’est pas une fin en soi, même si c’est ce qui guide l’artiste au moment de son geste. Non, l’artiste a toujours quelque chose à dire, une idée à faire passer. La grotte de Lascaux, ce n’est pas le papier peint de M. et Mme Cro Magnon, c’est la transmission d’une idée, d’une histoire. Le Sacre de Napoléon, de David, c’est la démonstration du pouvoir impérial. Et c’est également un client à honorer. Laurent de Medicis ou Napoléon Bonaparte. Ou tout simplement Mme Michu qui vient voir Bienvenue chez les Chtis. Car même dans ce film – où l’on peut difficilement prêter à Danny Boon des intentions intellectualisantes – il y a un message : faisons fi de nos préjugés et de nos différences : marseillais ou lensois, nous sommes tous humains. Et ces gens du nord, ils ont dans leurs yeux le bleu qui manque à leur décor…


Mais il n’y a jamais eu un atome de cela chez Tarantino. Dans son âme de cinéphile enfant, il n’a jamais grandi. Il est d’ailleurs notable qu’à son âge (53 ans), il n’ait ni femme ni enfants**. Même à Hollywood, c’est une singularité. Mais un enfant ne peut pas avoir pas d’enfant. Certains trouvent ça touchant ; on peut trouver ça terrifiant.


Tarantino, lui, a eu pour son noël 1992 le plus beau cadeau qui soit : le cinéma. Et depuis, il joue avec : « aujourd’hui, on dirait qu’on ferait un film de guerre, et la jolie projectionniste, elle se battrait contre les nazis. Ou alors on ferait un western, et il y aurait un super sudiste méchant mais Django, il est fort, et vengerait tout le monde. Ou alors, on prendrait des filles canons, et elles se vengeraient avec des voitures … »


On s’amuse, bien sûr, pendant les films de Tarantino. Mais que nous disent ces films ? Rien. Ils ne nous touchent pas. Depuis toujours. Et il est temps que la critique s’en rende compte.


À l’exception notable de Jackie Brown
*
« Je n’ai ni femme ni enfants, mais je ne regrette rien, le cinéma en vaut la peine. » Interview très instructif à Paris Match

ludovico
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le 15 janv. 2016

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