Presque policière, l'intrigue est travaillée et prenante.


Nous sommes dans l'Amérique post-Guerre de Sécession. Au milieu des vastes plaines blanches du grand Ouest Américain, une calèche roule à vive allure afin d'échapper au blizzard galopant sur ses arrières. A l'intérieur, John Ruth, grand chasseur de primes connu sous le nom "Le Bourreau", essaie d'atteindre Red Rock avec sa dernière prise, Daisy Domergue. Cependant, sa route va être jalonnée de rencontres improbables et parfois même malvenues. Lorsqu'il devra s'arrêter au relais de Minnie pour s'abriter de la tempête qui menace de faire rage, ses nerfs risquent d'être mis à rude épreuve ... La soirée s'annonce sanglante.


Le pari d'un thriller dans un huis clos
Le film prend tout son temps pour bien permettre au spectateur de rencontrer l'ensemble des personnages. Et ces derniers en valent la peine : ils sont bien taillés, consistants et, comme souvent dans les films de Tarantino, séduisants de cynisme. La longue scène d'exposition, où malheureusement certains décrocheront, enlève à notre rencontre toute sa possible superficialité. Oui, car c'est bien d'une relation approfondie avec les protagonistes dont nous avons besoin pour nous enfermer dans ce refuge improbable pendant ces 2h50... Presque policière, l'intrigue est travaillée et prenante, même si parfois le scénario cède à certaines facilités facilement pardonnables. Le contexte historique est intéressant, et reste une trame de fond importante tout au long du film. Pour ce qui est de la tension et de l'humour, la maîtrise semble sans faille. Les dialogues, dynamiques et cinglants, permettent de rendre ce thriller plus psychologique que jamais. Oui, ce savant mélange est bien une réussite.


Une belle brochette d'acteurs
Le casting est beau et fidèle à Tarantino. Les rôles semblent, en majorité, être taillés pour les acteurs choisis. Samuel L. Jackson incarne ici un héros haut en couleurs. Ancien confédéré, le Major Marquis Warren est un homme froid et impitoyable, durci par la guerre et les épreuves que cette dernière a fait subir à l'ensemble de la population noire. Charismatique dans le film, sa personnalité se complète bien avec le rustre John Ruth ici bien interprété par Kurt Russell. Channing Tatum, avec une apparition bien trop brève dans le film et un peu sortie du chapeau magique, fait néanmoins bien son travail. Les autres acteurs interprètent aussi très bien leur rôle et on sait à quel point cela est primordial dans un huis-clos laissant la part belle aux dialogues et aux confrontations.


Une réalisation tarantinesque...
L'atmosphère électrique de ce petit refuge pris dans la tempête est rendue avec brio. On sent bien l'enfermement causé par la neige et la méfiance croissante entre les différents personnages présents. Plans et qualité des images concourent à nous faire vivre cette pièce de théâtre improbable. La musique, les costumes et les rares paysages rendent bien l'atmosphère "nouveau western". Le rythme, lent au début, le temps de bien préparer le terrain, est bien géré, et dès que le piano se fait entendre, le rythme s'accélère et un autre film commence : la violence monte alors crescendo. Avis aux âmes sensibles : cet opus présente un bon nombre de scènes sanglantes et de propos choquants, mais les dialogues et le contexte permettent au tout de passer sans soucis et sans sérieux. Tarantino a bien été fidèle à lui-même.
La présence de certaines bizarreries intrigue tout de même. C'est sûrement fait sciemment, mais l'apparition brève d'un interlocuteur sorti de nulle part au milieu du film et la division de l'histoire en chapitres ont, entre autres, de quoi déstabiliser.
Verdict? Un thriller psychologique qui, avec son ambiance western et ses répliques cinglantes, a de quoi séduire. Non ce n'est pas du Django Unchained, mais qu'est-ce que c'est bon ! Le film décevra sûrement un bon nombre de fans de Tarantino et de fervents visionneurs de films dynamiques, mais ce qu'a voulu entreprendre ici Tarantino paraît parfaitement réussi. L'année 2016 semble commencer sous les meilleurs auspices (du moins, au niveau cinématographique !).


Valentin

Créée

le 19 janv. 2016

Critique lue 236 fois

1 j'aime

Critique lue 236 fois

1

D'autres avis sur Les 8 Salopards

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

262 j'aime

26

Les 8 Salopards
Sergent_Pepper
7

8 hommes en polaires

On pourrait gloser des heures sur chaque nouvel opus de Tarantino, attendu comme le messie par les uns, avec les crocs par les autres. On pourrait aussi simplement dire qu’il fait des bons films, et...

le 9 janv. 2016

206 j'aime

31

Les 8 Salopards
Velvetman
8

Oh, you believe in Jesus now, huh, bitch? Good, 'cause you gonna meet him!

Crucifiée, les yeux tournés vers une terre enneigée, une statue christique enclavée au sol observe de loin cette Amérique qui subit les cicatrisations cathartiques du clivage des contrées du Nord...

le 6 janv. 2016

144 j'aime

20

Du même critique

Les 8 Salopards
Cinemars_Kedge_BS
8

Nouveau Tarantino qui claque !

Presque policière, l'intrigue est travaillée et prenante. Nous sommes dans l'Amérique post-Guerre de Sécession. Au milieu des vastes plaines blanches du grand Ouest Américain, une calèche roule à...

le 19 janv. 2016

1 j'aime

Wonder Wheel
Cinemars_Kedge_BS
4

Ok... what then ?

De belles images, des acteurs qu’on ne présente plus et des choix de plans judicieux disons (permettant aux premiers opportunistes de les utiliser comme fond d’écran). L’histoire est simple comme les...

le 24 mars 2018

The Lobster
Cinemars_Kedge_BS
8

The Lobster : une bonne surprise pour deux de nos critiques

C’est là toute la satire du film : nous sommes les observateurs impuissants de l’enfermement doctrinal de deux mondes. Fable étrange et sublime, où les personnages enfermés dans leurs normes...

le 10 mars 2016