C’est là toute la satire du film : nous sommes les observateurs impuissants de l’enfermement doctrinal de deux mondes.
Fable étrange et sublime, où les personnages enfermés dans leurs normes puritaines, obligés de s’aimer, courent à leur perte. Une règle dans ce monde : être en couple. Pour les parias célibataires, une dernière chance est offerte : intégrer un centre spécialisé - camp de concentration aux allures d’hôtel bavarois paisible - afin de trouver l’âme sœur. Si vous échouez après 45 jours et malgré toute la bonne volonté de vos hôtes, vous serez transformé en animal de votre choix. Jusqu’ici rien d’anormal. Colin Farrell, regard perdu, moustachu et bedonnant, a choisi le homard.
Mais si l’amour rend libre, gare à celui qui ne respecte pas les règles : supplice de la main brûlée au grille-pain en cas de masturbation notamment. Soirées dansantes, chasse au célibataire, simulations de coït… On vous gâte. Vous vous trouverez bien un point commun ? Une scène jouissive parmi d’autres : un célibataire boiteux se fracasse le visage contre un mur en tentant de saigner du nez comme sa voisine pour la séduire.
C’est dans ce contexte, plus tragique que pathétique, que le jeu des acteurs donne au film un goût effrayant. Héros neutres à l’excès, égarés et à la recherche de leur double stéréotypé, on se sent plus seul que jamais.
Alors on tente de se rattraper à de nouveaux personnages. Car heureusement, quelques solitaires, échappés de l’hôtel, résistent toujours. Mais, on déchante encore en réalisant que Léa Seydoux, terroriste de l’amour, nous impose brutalement une autre loi : le célibat. C’est là toute la satire du film, où l’on observe, impuissants, à l’enfermement doctrinal de ces deux mondes, obligés de prendre parti sans y parvenir.
Peut-être qu’avec un peu plus de nuance, par son scénario et ses personnages taillés au burin parce que c’est une fable, The Lobster aurait pu dépasser le statut de prototype génial. Mais était-ce vraiment son but ?
Théophane
Ce film surprend du début à la fin en brisant toute logique.
Abordé par une police spéciale, un célibataire est placé dans un hôtel assez particulier pour trouver l’âme sœur. Sa femme et lui se sont séparés et, dans ce futur proche, toute personne seule est vue comme déviante mentalement. Accompagné de son frère, précédemment transformé en chien, notre protagoniste va partir à la recherche de sa moitié, quitte à trahir sa personnalité : s’il ne trouve pas l’amour, ce dernier sera transformé en l’animal de son choix, en l’occurrence un homard. Le film va nous conter son aventure et nous prouver sa persévérance, plus que jamais nécessaire afin de survivre dans un univers où les codes et le couple sont sacrés et ne doivent jamais être mis à mal sous peine de métamorphose.
Un univers prenant
Il est difficile de faire entrer le spectateur dans ce monde dystopique où le célibat est un crime. Pourtant, le film y parvient très bien. Les acteurs sont convaincants et ce n’est pas chose aisée dans un tel univers. Le personnage principal ne se sent jamais tranquille et on ne ressent chez lui aucune réelle joie. Feignant l’indifférence tout au long du film, Colin Farrell réalise ici une belle performance. Léa Seydoux laisse aussi sa petite touche française dans le film. Regardez le film en VO, cette dernière vous réserve effectivement quelques surprises… Les paysages, l’hôtel, le réalisme de la réalisation, tout concourt à vous plonger dans un futur proche plus probable qu’on ne peut le penser. C’est là la réussite du film : il vous fait réfléchir en vous immergeant dans un univers loufoque, sans prise de tête et autres leçons de morale. Seul bémol à relever : la musique. Bonne, elle n’en est pas moins utilisée excessivement. Son intrusion dans tout genre de scènes plus différentes les unes que les autres renforce l’aspect burlesque du film certes, mais elle en devient au bout du compte lassante.
Quand l’originalité tourne au burlesque…
L’histoire paraît peu commune et elle l’est. Ce film surprend du début à la fin en brisant toute logique. Les dialogues sont de qualité et la trame suivie par le film a de quoi vous tenir concentré. Le scénariste a fait des choix très osés et ces derniers me semblent payants, surtout à la fin du film. Cependant, dans la deuxième moitié du film, certaines longueurs se font ressentir et le film commence à s’essouffler. Mais, il est inutile d’en tenir rigueur pour ce film qui est, contre toute attente, une magnifique histoire d’amour.
Un parti-pris clivant
Malgré quelques effets indésirables comme des ralentis inopportuns, les choix du réalisateur sont bons. Ils font osciller le film entre fable poétique et violent bad trip, notamment grâce à un scénario soigné. Attention toutefois à l’aspect vulgaire de certaines scènes : ces dernières peuvent choquer et même dégoûter, même si le but premier est de vous déstabiliser et de vous faire sourire. Mieux vaut ne pas aller voir ce film en couple, c’est une œuvre qui paradoxalement s’apprécie en solitaire ou entre bons copains.
Vous voulez être surpris ? Célibataires ou maqués, ce film parviendra à vous étonner. En un mot : déstabilisant. Plaisir, rires et poésie au rendez-vous. Mais soyez conscient que ce film est clivant : il ne vous plaira sûrement pas si vous aimez ce qui est réaliste et rationnel.
Alors, si vous n’êtes pas réfractaires au burlesque, tentez l’expérience !
Valentin