Atmosphère étouffante sur l'île russe de Matiora, plongée dans un brouillard épais. Un barrage hydro-électrique va être construit dans la région, dans le but d'alimenter en électricité l'industrie récemment implantée. Tout de suite, Elem Klimov plante le décor avec force et convoque une série d'oppositions qui ne tarira pas jusqu'à la toute fin. On le comprend bien assez tôt, les maisons en bois des habitants seront bientôt submergées par les eaux et ces derniers sont amenés à être relogés, de force. Il y a ceux qui sont clairement opposés à l'évacuation, les vieux principalement, et ceux qui acceptent plus ou moins spontanément cette évolution.
D'emblée, ce cinéma russe des années 80 retranscrit une ambiance à la frontière de l'irréel, plongée dans le symbolisme et empreint d'une mystique de la nature qui n'est pas sans rappeler tout un pan de l'œuvre de Tarkovski — l'importance accordée aux arbres, cette façon de filmer l'eau, le feu et les incendies — ainsi que le film qu'il réalisera 2 ans plus tard, Requiem pour un massacre. Les paysans locaux se rebellent contre les bureaucrates, et de cette opposition naîtra une figure très forte, celle d'une vieille habitante qui décidera de rester dans sa maison après l'inondation, et cette île qui restera introuvable dans les derniers temps du film.
Avant que l'île de soit submergée, si l'on met de côté l'hostilité des villageois vis-à-vis des autorités, on peut noter des réactions bien différentes, entre des scènes de danse (qui mêlent musique traditionnelles et modernes) et des séquences lyriques (comme la scène de baignade collective). Les réactions les plus marquantes se révèlent lorsque la bureaucratie commence à exhumer les cercueils (pour les déplacer) ou lorsque des ouvriers essaient par tous les moyens d'abattre un immense arbre, à la hache ou à l'aide d'un tractopelle. Il y a ceux qui vont faire la fête en se baignant, et ceux qui se réfugient dans la prière. Des habitants mettent le feu à leurs propres isbas, tandis qu'une vieille dame nettoie la sienne comme s'il s'agissait d'une toilette mortuaire. La confrontation des deux mondes se dessine, l'ancien et le nouveau, celui des samovars et celui de l'électricité.
Des images qui reviendront à la toute fin, avec celles de la femme du réalisateur, Larisa Shepitko, qui est morte dans un accident alors qu'elle travaillait sur le tournage du même film, repris par Klimov. Le symbole est fort.
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