1er film de Nicholas Ray, Les amants de la nuit vaut pour sa manière singulière de combiner la codification du film noir avec l’émergence d’un auteur et de thématiques qui seront structurantes dans son œuvre.


Avant de prendre sa vitesse de croisière chaotique, le récit prend soin de caractériser ses originaux personnages : un jeune homme qui a raté sa jeunesse en prison, injustement accusé d’un meurtre, avant de s’en échapper, puis la jeune fille qu’il croise et dont la destinée est à peu près similaire. Dans ce prologue, Ray présente des individus en sursis, dont le devenir lui-même a été figé par un destin dépourvu d’horizon. La cavale commune qu’ils vont mettre en place sera donc celle de toutes les émancipations et de tous les dangers.


Tout est à apprendre, et les élans trop longtemps contenus explosent avec une maladresse attendrissante. Alors que les amants criminels sont généralement des révoltés contre le système dont ils se vengent pour l’avoir déjà subi (ce sera le cas de Gun Crazy par exemple, ou évidemment de Bonnie & Clyde) Bowie et Keechie sont totalement dépourvus d’expérience. Ils s’initieront dans un même mouvement au baiser et à la fuite, au braquage et à la fugue.


L’éphémère lune de miel dans une cabane au fond des bois laisse un temps supposer que la vie simple, au diapason de sentiments aussi évidents que sincères, est envisageable. L’aspect majoritairement bucolique est d’ailleurs une entorse bienvenue au cadre généralement urbain du film noir, et laisse penser que les échappées sont accessibles. C’est sans compter sur le retour des adultes et des bas-fonds du monde qui les a vu naître.


Habité dans sa volonté de restituer ce point de vue encore mal dégrossi sur le réel, Les Amants de la nuit est une cavale lyrique, qui fait la part belle au portrait et parvient avec une force authentique à illustrer l’épanouissement de deux enfants vers l’âge adulte. La métamorphose de la comédienne Cathy O’Donnell est impressionnante, passant d’une figure translucide de la domestique à celui d’une femme rayonnante.


Si le récit initiatique fonctionne, c’est parce qu’il est sublimé par l’urgence qui le contraint : de la même façon que les destinées des jeunes personnages avaient été empêtrées, leur libération est d’autant plus flamboyante qu’elle se sait provisoire. C’est de ces étincelles qu’on fait les étoiles filantes, et par lesquelles le lyrisme de Nicholas Ray fait sa première apparition à l’écran.

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le 11 oct. 2018

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Sergent_Pepper

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