Un an après l'étrange film Les Cendres du temps, Wong Kar-Wai continue dans l'univers des tueurs à gages et celui qui est leur quotidien, la solitude, dans son cinquième long-métrage, Les Anges déchus. À Hong-Kong un tueur à gage tente d'oublier sa partenaire, il croise le chemin d'une fille excentrique en manque d'affection et d'un jeune muet en manque d'attention.


Les anges seuls


Comme dans son précédent film *Chungking Express*, les personnages de Wong Kar-Wai sont tous en proie à une grande solitude. Du fait de leur profession ou de leur comportement ils ne peuvent avoir de relations durables. Le tueur doit se séparer de sa partenaire pour qui il s'est pris d'affection car dans son métier ce n'est pas permis. Il n'a pas d'amis, et a oublié ses anciennes connaissances. Lorsqu'il en rencontre, il leur ment en leur présentant une fausse photo de famille, s'inventant une vie heureuse qu'il n'aura jamais, et les oublie aussitôt après. Il rencontre cependant une fille aussi seule que lui qui l'embarque chez elle sans doute pour tromper la solitude. Mais celle-ci malgré sa bonne humeur ne lui fait pas oublier sa mystérieuse partenaire. Ces 2 femmes sont en totale opposition, l'une est totalement extravertie et excentrique, l'autre est introvertie et silencieuse, cependant elles sont toutes les 2 seules. Ils croisent He Qiwu, un jeune muet, vivant seul avec son père, utilisant les magasins la nuit pour se faire un peu d'argent et tromper la solitude avec ses clients. Privé de sa voix il tente par tous les autres moyens de se faire des amis ou d'attirer l'attention de la fille qui lui plaît mais ils ne restent jamais longtemps avec lui. Ils se livrent tous à travers la voix-off, se parlant à eux-même, habités par la solitude.

Les anges de la nuit


Les personnages vivent uniquement la nuit, Wong Kar-Wai nous dévoile Hong-Kong de nuit, éclairée de milles lumières comme autant d'âmes errantes. He Qiwu le dit, les gens sont plus étranges la nuit. Elle encourage les gens à révéler leurs sentiments et leurs angoisses. Mais comme ils n'ont personne à qui parler, ils s'adressent à eux-même et c'est le spectateur qui les écoute. La caméra sans arrêt en mouvement donne une impression surréaliste, comme s'il s'agissait d'un rêve, tout semble aussi flou que ces personnages insaisissables. Elle semble aussi libérée des contraintes habituelles au cinéma que les vidéos tournées par He Qiwu qui en fait son moyen d'expression. Tout semble faire partie de son univers solitaire mais rêveur et fou. Les coups des balles viennent parfois perturber ce rêve pour en faire un cauchemar mais celui-ci s'estompe rapidement, perdu dans les bruits de la vie nocturne hongkongaise, perdu dans la bande son mélancolique accompagnant les rêves et espoirs des personnages solitaires.
**Les Anges déchus est une poésie où s'entrecroise la vie de plusieurs personnages solitaires et noctambules. La narration occupant une place secondaire, permet au spectateur d'accompagner plus librement ceux-ci dans leurs déambulations nocturnes, en attendant que le soleil se lève enfin dans leurs vies.**
DoctorSmoke
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le 14 juil. 2015

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