Il y a des moyens plus suicidaires que d’autres pour développer une franchise – c’est-à-dire, essorer jusqu’à dessèchement intégral une poule aux œufs d’or - : les suites à répétition ayant tendance à épuiser le filon assez rapidement, on voit fleurir les prequel et autres spin-off, garantie d’un public acquis à la cause et d’une certaine liberté scénaristique.
J.K Rowling opte ainsi pour une nouvelle saga située quelques générations avant celle d’Harry Potter, et délocalisée aux USA, l’occasion de noter quelques différences avec la sorcellerie made in Europe. Les clins d’œil sont nombreux, et le fan retrouvera (avec plaisir ?) les codes en vigueur dans le cycle originel.


Le New York des années 20 est le prétexte à une photo légèrement sépia et jaunie qui n’est pas dénuée de charme, surtout pour le spectateur gavé jusqu’au gosier de blockbusters technologiques et rutilants : ici, un certain goût pour l’authentique traverse, du moins dans les intentions, l’esthétique et les idées : la pâtisserie contre la conserve, et des thèses discrètement écologiques sur l’extinction des espèces ou la nécessaire ouverture vers l’inconnu en lieu et place de son habituelle et aveugle destruction.


Le bestiaire promis est certes éclectique, mais on peine néanmoins à réellement surprendre : des aptitudes (invisibilité, ailes triples, cuirasse lumineuse…) au design, on quitte rarement le terrain connu, même si certaines séquences peuvent prêter à sourire, comme celle de la taupe cleptomane dans une bijouterie ou d’un serpent à plume à taille variable.
Reste donc à nous présenter tout cela, et mettre en place une intrigue. Le duo classique entre un sorcier et un non-initié se charge de l’exposition, et même si elle n’évite pas certaines lourdeurs, le personnage de l’impétrant boulanger est assez attachant, et leur valse avec deux sœurs sorcières sait ménager quelques échanges un peu malicieux.


Il n’en reste pas moins que ce pseudo nouvel univers accuse des lenteurs au démarrage d’un bon vieux diesel : le rythme est problématique, d’une mollesse assez surprenant en cette époque de montage frénétique, sans pour autant instituer une quelconque valeur à la lenteur : on s’ennuie un peu, on attend beaucoup.


Le problème est là : maintenant qu’on nous a annoncé que cet univers se déclinerait en cinq épisodes, il semblerait qu’on attende de nous une tolérance pour cette longue introduction. Les enjeux sont toujours les mêmes (les sorciers luttent pour rester inconnus des humains, certains sorciers ont des velléités guerrières), et la gradation vers les scènes spectaculaire assez vaine : on en revient toujours à ces fumerolles noires, signe d’une puissance dark side qui semble aussi ringarde qu’elle l’était dans Spiderman 3, c’est dire, le tout dans des destructions numériques de rues entières avec un sens de la répétition qui lasse rapidement.


On le sent bien, tout se prépare. Certes, l’imaginaire garde le pouvoir, occasionnant de belles idées (la valise et sa dimension interne défiant les lois les plus élémentaires de la géographie, la scène de condamnation à mort, correcte) comme des ratés (l’excitation nuptiale du rhino/néon, des combats à coup de baguette désormais vraiment éculés), mais les personnages manquent encore cruellement de chair. En ahuri gentiment barge, Eddie Redmayne lasse plus qu’il ne séduit, et sa side-kick Katherine Waterson peine à donner chair à un personnage assez inepte.
Des animaux, certes. Fantastiques…cela reste à prouver ; les producteurs ont le temps, et le savent : c’est là justement un des éléments qui irrite le plus.

Sergent_Pepper
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Blockbuster, Fantastique, J'ai un alibi : j'accompagnais les enfants., Vus en 2016 et vu en salle 2016

Créée

le 20 nov. 2016

Critique lue 5.8K fois

134 j'aime

9 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 5.8K fois

134
9

D'autres avis sur Les Animaux fantastiques

Les Animaux fantastiques
Maxime_T__Freslon
5

Dans la continuité de ses prédécesseurs... mais pas pour le meilleur.

EDIT ! Y’avait autant de raison d’être enthousiaste et heureux de voir la saga sur le sorcier à lunette au cinéma que d’être inquiet et sceptique quand on voit la politique actuelle des studios...

le 18 nov. 2016

91 j'aime

15

Les Animaux fantastiques
SmallThingsfr
8

Les Animaux Fantastiques : quand les sorciers se font équilibristes (100% spoiler)

Je l'ai attendu, elle est là. La nouvelle pierre de mon enfance. Harry Potter a aidé à construire beaucoup de choses en moi et, depuis la fin de la saga, j'attends son retour que je pensais...

le 16 nov. 2016

68 j'aime

7

Les Animaux fantastiques
ClémentRL
4

Critique de Les Animaux fantastiques par Clément en Marinière

J.K. Rowling, qui se heurte plus que personne à l'impossibilité empirique de se réinventer après le succès écrasant d'Harry Potter, se devait, pour la postérité, de laver sa réputation de l'infamante...

le 17 nov. 2016

60 j'aime

9

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53