Générique de fin. Les lumières se rallument peu à peu. Mais alors que je tourne la tête pour embrasser ma copine et, au passage, déceler sur son visage une trace du sentiment que lui a laissé le film, une forme étrange entre dans mon champ de vision. Quelques sièges plus loin, à l'endroit où aurai dû se tenir un simple spectateur, une étrange forme beige convulse et émet des petits cris aigus. Intrigué, je me penche légèrement en avant pour mieux observer le phénomène. Vint alors à moi une vision des plus stupéfiantes.
C'était bel et bien un spectateur qui se tenait là, cul nu, caleçon sur les chevilles, agrippant son fauteuil et offrant son postérieur au grand écran de sa jouissance. Son visage distendu par le plaisir et la béatitude éveilla en moi un sentiment d'intrusion qui me fit aussitôt tourner la tête dans l'autre direction. Horreur ! Chacun des spectateurs avait agrippé le dossier de son siège et bavait à flots tandis que leurs culs se tortillaient en va-et-vient en direction de l'écran, tels des fidèles implorant leur gourou. Hommes, femmes, enfants, tous avaient succombé à une sorte d'extase collective et manifestaient leur extrême jouissance par des couinements porcins, laissant ma copine et moi au beau milieu d'une cinquantaine de paires de fesses se mouvant à l'unisson.
Soudain, l'écran affiche "J. K. Rowling" et les couinements s'intensifient, laissant place à des hurlements de porcs en détresse. Les va-et-vients se font de plus belle jusqu'à faire trembler la salle. Je prends la main de ma copine et m'écrase dans mon fauteuil, effrayé.
Alors, je jette un coup d'œil à travers cette porcherie frappée d'un tremblement de terre et je tombe sur le visage hagard d'un de ces fidèles. Dans ses yeux vitreux et louchant, un reflet scintille et je comprends.
Je comprends que cette salle de cinéma transformée en théâtre surréaliste n'est qu'une salle parmi tant et tant d'autres. Je comprends qu'en ce moment même, dans toutes les salles du monde, un jeune homme et une jeune femme qui n'avaient rien demandé à personne vivent un traumatisant cauchemar. Tout ça parce qu'ils ont été miraculeusement épargnés par le plus mesquin de tous les sortilèges. Un sortilège lancé par les riches paresseux, avachis dans leurs trônes luisants, brandissants leurs baguettes et criant : Fan-Servius !