Je salivais un peu à l'idée de découvrir ce film interdit par la censure soviétique et tiré de nouvelles de Bertold Brecht. La présence de Fridrikh Ermler crédité à la direction artistique dans le générique d'entrée a encore fait encore grimper mes attentes. Je ne sais pas quel influence il a eu sur la conception du film mais le film opte l'une de ses thèmes à savoir le parti pris de faire un portrait des ennemis ou personnages de méchants, donc des allemands, tour à tour bourreaux et victimes des nazis. C'est sans doute cette volonté de dépeindre des allemands sous un regard plus humain qui a déplu à la censure.
Le film est découpé en 5 sketch plus ou moins longs où ce sont les plus courts qui s'imposent comme les plus intéressants.
On y croise un duo de sentinelles en patrouille, tellement apeurés qu'ils tirent sur le premier bruit suspect, abattant un simple voisin qui ouvrait ses volets. Assez virulent dans sa façon de ridiculiser les sbires d'Hitler mais pour le coup trop précipité pour marquer.
Le second présente avec un cynisme percutant un duo de SA distribuer des rations dans des taudis et qui représentes moins que les "cotisations" qu'ils étaient venus prélever la semaine précédente... et ils en profitent pour arrêter ceux qui leur paraissent suspect de ne pas se montrer trop enthousiastes !
Le troisième, très prenant, détaille la paranoïa progressive d'un couple de bourgeois dont l'enfant fait partie des jeunesses hitlériennes et qu'ils soupçonnent de rapporter leurs écarts de langage. Ils ne tardent pas à devenir terrifié par leur progéniture.
Le 4ème aurait pu être pas mal mais sonne trop redondant avec le précédent. Cette fois un homme marié revient après un long séjour chez les officiers nazis et il provoque immédiatement sa famille pour mieux tester leurs réactions, les menaçants indirectement de les dénoncer. Bien que prévisible, ça ne manque cela dit pas de tension dramatique et la chute reste quoiqu'il en soit glaçante.
J'avoue avoir oublié la cinquième et dernière partie mais elle était trop longue, beaucoup plus conventionnelle dans sa critique des allemands avec un découpage en deux actes très maladroites, juste pour introduire in-extremis des soldats russes, ici un vaillante et experte snipeuse. Cette épisode à rallonge finit par lasser et on sort de la séance assez déçu et lessivé.
Le film a ses qualités pour l'ambiance souvent sombre et oppressante, ainsi qu'un son ambition bienvenue de coller à une certaine véracité sociale (le film se vante d'adapter fidèlement et scrupuleusement les textes de Brecht), mais les histoires sont mal équilibrés et trop répétitives. En les regardant isolé, ça doit sans doute mieux passé, excepté la dernière qui a vraiment tout de la concession à la pure propagande.