Matchstick Men investit le faux comme vecteur d’accession au vrai, le mensonge comme thérapie permettant à Roy de quitter sa solitude et une partie des tocs qui y sont associés pour, à terme, (re)fonder une famille.
Nul hasard si le personnage commence par marcher en chaussettes sur sa fameuse moquette – celle qu’il ne cesse d’aspirer et dont la pureté doit rester intacte – avant de finir pieds nus sur le toit d’un immeuble quand, désillusionné, il prend conscience de la supercherie dont il a été l’objet. Les pieds nus signifient, comme souvent chez Ridley Scott, le raccord à la réalité et à la fragilité congénitale de l’être humain : Paul Getty père marchant jusqu’au tableau La Vierge et l’Enfant dans All the money of the world (2017), le robot David dans Alien: Covenant (2017), l’avocat de The Counselor (2013), l’agent Ferris dans Body of Lies (2008), Christophe Colomb sur sa caravelle dans 1492: Conquest of Paradise (1992), les marins de White Squall (1996) etc. Nous retrouvons également le symbole de l’échiquier, détenu par le psychiatre, instigateur principal de l’arnaque.
Le cinéaste offre ainsi une variation cynique sur le thème de l’arroseur arrosé, quoique son cynisme s’émousse enfin pour ménager une porte de sortie : retrouver un équilibre par le déséquilibre, créer un foyer authentique après avoir vu le factice détruit. Le jeu de rôles prouve à Roy qu’il est capable d’être un bon père et qu’il a besoin d’assurer sa paternité. Nicolas Cage l’interprète à la perfection : il compose un personnage à la fois hilarant et poignant, épaulé par des seconds rôles tout aussi convaincants. Matchstick Men témoigne de l’habileté de Scott à s’emparer d’un genre qui n’est pas le sien, et qu’il réussit haut la main après la lourdeur de son A Good Year (2006).