Ayant découvert un message d’appel à l’aide dans une bouteille jetée à la mer, la SOS Société, communauté internationale de souris, envoie deux de ses membres, Bernard et Bianca, sauver la jeune fille à l’origine de ce message, séquestrée dans un sinistre lieu : le Bayou du diable…
Dernier grand succès des studios Disney avant La Petite Sirène douze ans plus tard, Les Aventures de Bernard et Bianca illustre à merveille la transition qui s’opère à la fin des années 1970 au sein des studios. Le générique réunit en effet des vétérans du studio tels que Wolfgang Reitherman, Frank Thomas, Ollie Johnston ou Milt Kahl et des jeunes animateurs à la carrière prometteuse comme John Pomeroy, Ron Clements ou Glen Keane. C’est donc tout naturellement que des talents conjoints de l’ancienne et de la nouvelle génération naît un nouveau bijou. Si on n’égale pas tout-à-fait ici les immenses réussites de la grande époque Reitherman (Le Livre de la jungle, Les Aristochats, Robin des bois), rupture sensible entre autres à travers le départ des frères Sherman (hormis SOS Société, aucune chanson marquante), on n’en est pas si loin grâce à une animation toujours plus hallucinante par son incroyable souci du détail.
Héritier de la tradition Disney jusque dans sa méchante, grandement inspirée par Cruella d’Enfer, d’ailleurs un temps prévue pour être la méchante de ce film, Les Aventures de Bernard et Bianca se renouvelle toutefois, notamment dans son scénario, assez atypique et plus grave que les dernières œuvres du studio. En adaptant la série de romans pour la jeunesse de Margery Sharp, Reitherman, Stevens et Lounsbury nous proposent un scénario original qui aborde les thèmes de l’enfance solitaire avec une infinie délicatesse, qui ne peut que toucher le spectateur le plus endurci. S’appuyant sur des personnages extrêmement caractéristiques mais rarement stéréotypés, le film fait constamment mouche, en réussissant à nous attacher à chacun de ces derniers, en imbriquant intelligemment l’humour et l’émotion à l’intrigue sans jamais leur faire prendre le pas sur celle-ci.
Si, d’ailleurs, on voit ressurgir par moments dans Les Aventures de Bernard et Bianca le ton délirant renforcé par une musique jazzy à souhait (excellente musique d'Artie Butler) des Aristochats ou de Robin des bois, on sent toutefois que ce dernier est sur la fin, et que les studios préfèrent revenir à une tonalité plus sombre et peut-être plus mature. En mélangeant la tradition humoristique des dernières œuvres animées en date du studio à la noirceur qui caractérisera les films à venir, Les Aventures de Bernard et Bianca put s’assurer un succès certain, tout en annonçant les dix ans à venir durant lesquels les studios aux grandes oreilles allaient se chercher, tester leurs limites en un renouvellement perpétuel, intéressant mais erratique, véritable période d’expérimentation que le public n’allait pas suivre, mais pourtant déjà amorcée par ce formidable opus.