On ne peut qu’apprécier la façon avec laquelle Bill & Ted’s Bogus Journey part d’un canevas somme toute conventionnel – menace extraterrestre, petites-amies enlevées – pour mieux établir deux bornes entre lesquels libérer sa structure : sont empruntés détours et chemins de traverse depuis l’Enfer jusqu’au Ciel, ravissant la Mort, sa faucheuse et deux nains géants pour notre plus grand plaisir. Ce qui était prévisible devient imprévisible, le voyage initiatique de deux grands adolescents confrontés au mariage mute en périple surréaliste sans queue ni tête dont l’ambition n’obéit qu’à l’esthétique pure : en ce sens, saluons l’imaginaire fertile de l’équipe du film qui enchaîne les trouvailles visuelles, des pièces sous influence expressionniste au futurisme de plans dont le mystère reste intact après plusieurs visionnages.
Peter Hewitt apporte un grain de folie bienvenu et un comique qui fonctionne en dépit de son caractère appuyé : tout cela n’est guère subtil, aussi idiot que ses deux protagonistes principaux, et pourtant l’idiotie fait sens et nous entraîne dans un dédale de visions oniriques originales qui manquent cruellement au cinéma contemporain – Soul (Pete Docter et Kemp Powers, 2020) constituant alors une exception notable. Notons enfin les nombreux clins d’œil faits à la pop culture de l’époque, doublés d’un hommage parodique au film de Bergman, Det Sjunde inseglet, avec sa Mort qui joue aux échecs sur le rivage. Une loufoquerie réjouissante, « spectaculaire en tout cas ! »