Au XVIIIe siècle, dans une ville assiégée par des Turcs se joue une pièce de théâtre narrant l’épopée comique et fantastique du baron de Münchausen. Mais voilà qu’un vieillard (John Neville) interrompt la pièce, prétendant être le vrai baron et cherchant à rétablir la vérité. Séduite par son héroïsme apparent, une petite fille (Sarah Polley) lui demande de l’aider à débarrasser la ville des Turcs. Le baron accepte, mais pour cela, il doit aller chercher ses amis, qui l’aideront à lutter contre l’ennemi. Des hauteurs de la Lune aux profondeurs de la Terre commence une épopée inoubliable…
Il arrive parfois qu’on ait l’impression d’avoir tout vu, d’avoir fait le tour de tout ce que le cinéma avait d’intéressant à nous proposer, et que plus rien n’arrivera jamais à nous émerveiller comme on a pu l’être enfant.
C'est à ce moment que l'on découvre Les Aventures du baron de Münchausen de Terry Gilliam… et on en reste sans voix.
Ce qu’il y a de merveilleux, dans Les Aventures du baron de Münchausen, c’est précisément que tout y est merveilleux !
Terry Gilliam a toujours été le cinéaste de l’imaginaire et du fantastique, mais il a rarement atteint un sommet tel que celui-là. Il faut dire qu’il s’est entouré de la fine fleur du cinéma italien pour donner corps à ce monument de surréalisme et de poésie. De fait, son équipe technique est tout droit sortie de chez les plus grands cinéastes italiens.
Le décorateur Dante Ferretti n’est plus à présenter tant son travail chez Pasolini, Comencini, Fellini, Scorsese ou Zeffirelli fait de lui une autorité incontestable dans son domaine. Mais il faut également mentionner le directeur de la photographie Giuseppe Rotunno (habitué de Fellini, Visconti ou De Sica) ou la costumière Gabriella Pescucci (Ettore Scola et toujours Fellini). C’est dire combien le travail de ces trois artistes, allié à l’imagination sans bornes de Gilliam, fait des étincelles à chacun des plans du film (et je pèse mes mots), tout comme un casting en tous points exceptionnels, dominé par un John Neville en grande forme.
En effet, ce qui frappe le plus, c’est l’imagination débordante de Terry Gilliam, à laquelle il n’impose ici aucune limite. Démontrant par l’image que le kitsch, bien maîtrisé, peut être un art, il nous offre un film baroque d’une magnificence visuelle rare, et d’autant plus belle que ses effets spéciaux sont garantis 100% réels (ce qui explique un budget pharamineux pour l’époque).
Ainsi, au sein de cet univers imaginaire proprement fantastique, Terry Gilliam donne libre cours à sa folie, mais sans jamais la laisser basculer dans les tréfonds de la vulgarité pénible (même si, bien sûr, certaines trivialités subsistent). On se laisse alors promener au gré de cette odyssée burlesque des entrailles d’un monstre marin à une prison sélénite étonnante, en passant par les enfers ou par un boulet de canon. C’est souvent bouffon, certes, mais c’est merveilleusement bouffon, la poésie prenant toujours le pas sur ce qui aurait pu n’être qu’une comédie potache sans rien pour l’élever.
Or là, Terry Gilliam n’oublie jamais d’introduire la poésie et la réflexion qui élèvent constamment son film des marasmes où il aurait pu se complaire. Transformant le grotesque en un miroir déformant et enchanteur de notre monde, mêlant en une danse étrange le rêve et le réel, le réalisateur n’oublie pas de faire de son film un magnifique plaidoyer en faveur de l’illusion cinématographique la plus totale grâce à une mise en abyme prodigieuse (le passage du théâtre à la réalité est grandiose), et une défense du pouvoir de l’imagination, capable de triompher de toutes les horreurs dont l’homme est capable.
Il nous rappelle par là que la magie du cinéma, c’est bien sa capacité à nous surprendre et nous émerveiller, même quand on croit en avoir fait le tour.
Alors oui, après avoir vu Les Aventures du baron de Münchausen, on peut le réaffirmer avec force : les miracles existent. Car avec ce film, c’est bien ce qu’a réalisé Terry Gilliam sous nos yeux ébahis. Un miracle.