Les Beaux Jours par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Caroline est une "jeune retraitée" dentiste qui semble avoir de longs moments de détente devant elle. Après la perte de sa meilleure amie dont elle sent avoir une responsabilité, cette nouvelle vie ne s'avère pas aussi chatoyante. Elle "cohabite" avec son mari Philippe et la passion entre eux deux s'envole au fil des ans. Caroline est également entourée de ses enfants qui ont justement l'idée d'offrir en cadeau à leur mère un passeport pour s'inscrire à un Club de retraités "La Belle Vie". La rencontre qu'elle fait alors avec un jeune animateur en informatique va changer sa vie et sa passion envers lui sera plus forte qu'envers les ateliers de l'association chargés d'occuper le soi-disant temps libre, trop libre de sa retraite.


La vie active malgré ses tourments passagers a entre autres quelque chose de bon et de primordial, c'est l'ouverture sur le monde à travers la diversité des relations, des âges, des pensées et bien d'autres choses encore. La retraite peut paraître chez beaucoup de personne un carcan dans lequel on s'enferme. On est dans son monde et les conversations de la vie d'une journée active ne font plus l'objet de discussions. La question : "Comment s'est passée ta journée de boulot ?" peut se transformer en : "Que va t-on pouvoir faire aujourd'hui ?". L'âge aidant on peut se réfugier dans le passé pour ne plus trop se projeter dans l'avenir. Alors bien sûr les enfants de Caroline croient avoir une idée lumineuse en la dirigeant vers une association de retraités où différents ateliers lui permettront d'occuper ses journées mais Caroline se sent mal à l'aise dans cette structure. Elle aime son mari et réciproquement, mais tous deux n'ont plus rien de bien intéressant à se raconter et le couple est entraîné dans une routine fatale. On ne se regarde plus vraiment et même la présence des enfants et des petits enfants ne suffit pas à "re-boooster" le couple. La rencontre avec Julien, prof d'informatique de l'association, beaucoup plus jeune que Caroline, va alors bouleverser son existence et sa vie va devenir presque jubilatoire avec cet homme. Elle reprend goût au désir sexuel, aux petites cachotteries, les interdits deviennent un jeu, une défiance, en fait Caroline redevient une femme comblée tournant le dos à la vieillesse. Cette nouvelle vie ne peut-elle être qu'une parenthèse ? Est ce que cette parenthèse peut avoir un effet positif sur un couple en sommeil ? Voici pour moi les questions qui ressortent de cette histoire d'amour.


Cela fait maintenant dix ans que Marion Vernoux n'avait pas réalisé de film et voici la bonne surprise. Elle analyse avec beaucoup de finesse, avec parfois une dose d'humour et une pointe d'émotion la nostalgie d'une femme désemparée par l'écran de fumée qui se dresse devant elle. Pour jouer cette nouvelle retraitée Fanny Ardant, teinte en blonde, est absolument surprenante et émouvante. Elle campe un personnage passant de la tristesse au désarroi puis à la gaieté avec un talent exceptionnel. Elle redevient jeune femme dans ses rapports avec Julien et dans sa façon d'être. On la croit découvrir son premier amour avec ses rires, ses confidences , ses petites bagues auxquels on rit pour tout et n'importe quoi. Caroline recherche ce Julien, jeune homme désinvolte, libre comme le vent et qui prend la vie telle qu'elle vient. Il ne manque pas d'amour pour Caroline et cet amour à peine caché ne fait que déchaîner les passions. Ce rôle est fort bien interprété par Laurent Lafitte plein de naturel et de mesure. Il y a bien sûr ce mari trompé qui reste impeccablement digne dans cette situation. Il repense que bien des années plutôt il faisait l'amour avec sa femme et vivait avec elle une ardente passion. Patrick Chesnais est un monument dans ce personnage fataliste et plein de pudeur. Sa dignité est absolument émouvante dans cette souffrance enfouie au fond de lui-même. Nous avons également le plaisir de retrouver à l'affiche Fanny Cotençon et Jean-François Stévenin.


Voici donc un très beau film réalisé en toute simplicité et justement la simplicité est souvent source de talent lorsqu'elle est efficace dans la justification du sujet qu'elle traite, ce qui est ici le cas. C'est pour cela que j'espère revoir bientôt Marion Vernoux nous réaliser une œuvre aussi fraîche que celle-ci car elle fait preuve d'une grande sensibilité autant dans son sujet que dans la direction des acteurs. Il est à noter que les jurys ne se sont pas trompés en attribuant plusieurs récompenses à cette œuvre.


Distinctions obtenues par ce film :



  • Festival international du film de Toronto 2013 : sélection « Gala Presentations »

  • Festival du film de Tribeca 2014

  • Césars 2014 : Meilleure actrice pour Fanny Ardant

  • Meilleur acteur dans un second rôle pour Patrick Chesnais

Créée

le 17 juin 2014

Modifiée

le 12 juin 2014

Critique lue 1.6K fois

27 j'aime

20 commentaires

Critique lue 1.6K fois

27
20

D'autres avis sur Les Beaux Jours

Les Beaux Jours
eloch
7

" On est restés indépendants, moi et Fanny Ardant "

Se plier à la règle qui voudrait qu'à la retraire on consacre du temps aux autres ou encore rentrer dans le moule d'un "club" (dont les membres la surprendront bien vite) au nom évocateur aussi bien...

le 19 juin 2013

23 j'aime

5

Les Beaux Jours
Kalimera
8

Critique de Les Beaux Jours par Kalimera

C'est un beau film. Pas d'angélisme: une relation avec un beau mec à l'oeil de velours de 20 ans de moins que toi, c'est sûr ça peut pas le faire très longtemps. Mais on s'en fout, Fanny Ardent est...

le 16 déc. 2013

19 j'aime

7

Les Beaux Jours
Gand-Alf
6

Le vent nous portera.

Dans "Les beaux jours", le nouveau film de Marion Vernoux adapté d'un roman de Fanny Chesnel par l'auteur elle-même, vous verrez absolument tous les clichés sur l'adultère, sur la liaison forcément...

le 1 juil. 2014

11 j'aime

2

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

177 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

171 j'aime

37

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

158 j'aime

47