Les Belles de nuit par Alligator
Après le succès et le plaisir que lui avait procuré sa collaboration avec Gérard Philippe pour La beauté du diable, le grand réalisateur René Clair pas assez loué à mon avis, remet le couvert avec le comédien Gérard Philippe, devenu star avec Fanfan la Tulipe où il jouait déjà avec la Belluci de l'époque, Gina Lollobrigida.
Gérard Philippe était devenu aussi bien star sur les écrans que sur les planches où il éclatait avec Jean Vilar en Avignon. Lollobrogida faisait fantasmer petits et grands aux quatres coins de la planète, Martine Carol quant à elle tutoyait les étoiles depuis le méga succès de Caroline Chérie.
Aussi bien que Les belles de nuit, coproduction franco-italienne, faisaient tinter les caisses des producteurs avec un budget de 130 millions de l'époque.
Le succès public et critique fut au rendez-vous et il est malheureux que ce film soit un peu oublié. Certes, il n'est pas le premier, ni le plus éclatant, Fanfan et la beauté du diable ont plus marqué et d'abord chronologiquement et aussi par leur majesté et leur charme. Mais celui-là n'en manque pas.
Son rythme enlevé créé volontairement pour en faire une comédie alerte et vive, à la manière des comédies américaines de l'époque. Quand une scène semblait bonne, on en refaisait une plus rapide encore. Cette technique amusa beaucoup les comédiens. Et cette joie de jouer se ressent peut-être plus chez les seconds rôles d'ailleurs (magnifiques Raymond Bussières et les autres copains de "Claude" dont j'ai oublié les noms).
Quant aux actrices, elles sont très belles, pas de doute, il n'y pas de tromperie sur la marchandise.
Mais la pépite est Gina en princesse algérienne, ou en tenancière de bistrot, elle ensorcèle la pellicule. Pas étonnant que tous les hommes étaient fous d'elle : quelle femme éblouissante, un regard, une bouche oh quelle bouche mes aïeux, et ses seins, et son ventre, des hanches oh mama mia, je donnerais un rein pour caresser les siens, et son petit nombril que ne sois-je né plus tôt pour tenter de mettre ma langue dans son nombril. Oh nom de Dieu de bordel de merde! Je suis amoureux. encore une fois...
L'histoire est amusante, bien née : un musicien raté, limite neurasthénique, raillé par tout le monde même si au fond tout le monde l'aime bien et plus particulièrement Suzanne, jouée par Magali Vendeuil (que je ne connaissais pas pour ma part), ce musicien se réfugié chaque soir dans son sommeil, rempli des belles du jour mais remodelées à sa convenance, à sa réussite sociale et amoureuse.
Mais ses rêves peuvent très vite se transformer en cauchemar et le pousser à faire face à sa vie réelle.
La photo est parfois très belle, les passages chantés (opéras) sont agréables mais je ne suis pas du tout de cette oreille là et l'opéra ou l'opérette ne me chatouille guère l'ouie (tout ça pour dire que je ne sais pas si c'est de qualité ou pas). En tout cas, la musique est signée Van Parys, un nom dans le cinéma de papa.
Les décors en carton pâte font drôle de figure, mais n'est-on pas dans le rêve?
La mise en scène est pleine de jolies idées (notamment le drapeau voyageant vers Alger) qui peuvent prêter à sourire, un peu enfantines, ou pas très bien négociées, pas assez finement peut-être?
Mais la somme de tous ses talents forme un film fort agréable et de belle prestance.