Sur les traces de Bergman
Les Berkman se séparent, est le titre ridicule donné pour la distribution française de cette œuvre de Noah Baumbach… Mieux aurait valu conserver l’original « The Squid and the Whale » (Le calmar et la baleine), plus parlant symboliquement ou plagier le titre de Dino Risi : « Fantôme d’amour ».
Car si le thème générique du film est le divorce, on y entre de plein front dès les premières minutes, c’est bien l’amour qui en est le moteur. L’amour égaré entre un homme et une femme, l’amour des enfants, cruel dans ses prises de position pour et contre l’un et l’autre. Le récit est autobiographique, on le ressent jusqu’au bout d’infimes détails, et c’est là que le réalisateur nous stupéfie.
Il situe son action dans le milieu des années 80 et retranscrit cette époque jusque dans la manière de filmer. La ville de Brooklyn d’abord dont on sent une nostalgie similaire à celle d’un Scorsese ou d’un Woody Allen. L’humain ensuite, nous sommes au démarrage de l’ère individualiste qui connaît son paroxysme aujourd’hui.
On se replace au niveau d’un Ted de Kramer contre Kramer. Comme lui, Jeff Daniels, magistral, incarne Bernard, le père qui fut emblématique jusqu’à ce que sa femme vienne lui voler ses succès et donc sa place. Et les enfants de prendre parti, le plus jeune (Owen Cline empathique à souhait) pour la mère, l’aîné (Jesse Eisenberg, une vraie révélation) qui défend bec et ongle le papa dont il est si fier.
Mais ici pas de place pour le mélodrame, les déchirures sont plus profondes et s’expriment moins par les pleurs que par des saillies verbales cruelles. Le mot est lâché. Car la tonalité générale de ce film puissant et intimiste est bien la férocité parée d’un humour sombre.
Cette famille éclatée apprendra à ses dépends qu’en amour il n’y a pas de manichéisme, juste des émotions brutes et que même s’ils sont enfouis profondément, les souvenirs heureux sont comme la vie, pluriels et indispensables.