Le premier film de Benh Zeitlin s'est forgé une solide réputation de bête de festival récoltant La caméra d'or au festival de Canne, le grand prix du jury à Sundance, mais aussi le grand prix ainsi que le prix de la critique internationale au festival de Deauville. Pas mal pour un petit film sortant de nul part, tourné avec les moyens du bord et sans aucunes vedettes. On pourrait alors craindre que comme tant d'autres films avant lui Les bêtes du sud sauvage ne soit qu'un simple film tendance, un succès de festival et de critiques. Le film de Benh Zeitlin certes tout cela mais c'est surtout une vraie petite merveille dont la poésie vous tire les larmes et la beauté vous imprègne durablement l'esprit.


Les bêtes du sud sauvage c'est l'histoire de Hushpuppy, une gamine de six ans qui vit avec son père sur un petit îlot du bayou appelé la baignoire. Lorsque la nature se détraque soudain, les eaux commencent à monter, une tempête menace d'engloutir l'île, le père de la petite fille tombe malade et des créatures mythiques sont libérées des glaces. La petite fille doit alors lutter contre les éléments pour garder sa place dans le monde.


Filmé à hauteur de cette petite fille et bercé par sa douce voix de narratrice, Les bêtes du sud sauvage est un récit qui se raconte et se vit par le regard de cette môme sur le monde avec tout ce que cela comporte d'innocence, d'imaginaire, de poésie et de cette lucidité un peu froide dont seul sont capable les enfants. A la fois fable écologique dans l'esprit de Miyazaki, conte initiatique sur le passage vers l'age adulte et récit symbolique sur les luttes et les combats de celles et ceux qui veulent garder leur identité et leur nature profonde, Les bêtes du sud sauvage est un film à multiple facettes qui touche directement au cœur des ses premières minutes. Benh Zeitlin dresse à travers son film un portrait d'une Louisiane âpre, sèche et violente constamment en proie aux caprices des conditions climatiques mais aussi celui d'un peuple courageux, digne, fier, soudé dans les difficultés et bouillonnant de vie. C'est donc dans ce contexte que vit la petite Huspuppy, sous la menace de voir son monde s'engloutir sous les eaux, en compagnie d'un père malade, parfois violent, aussi dur et rigoureux que la terre qu'il habite et du fantôme d'une mère absente. Mais loin d'être misérabiliste le film de Benh Zeitlin choisit la flamboyance de la vie qui ne cesse de se réinventer à travers la folie, la fête, la solidarité et l'imaginaire et surtout la lutte. Il plane au dessus du film un sentiment de profonde mélancolie fataliste sur la fin de toutes choses, des hommes comme de la terre mais ce n'est pourtant pas un sentiment de résignation que véhicule cette histoire. Si ce père de famille cabossé par la vie peut sembler parfois dur en éduquant sa fille sans grandes marques de tendresses, il est pourtant débordant d'amour en la préparant à devenir une guerrière capable de rester debout et fier face à la mort de ses proches comme celle de son monde. Ne jamais plier, ne jamais se résigner, se battre et lutter pour conserver la dignité de ce qui fait de nous des êtres différents voilà ce que semble nous dire Benh Zeitlin à travers l'histoire de cette gamine de six ans qui finira par faire se prosterner à ses pieds les créatures mythologiques et symbole d'un monde qui s'écroule.


Les bêtes du sud sauvage est un film magnifique porté en grande partie par sa formidable petite actrice Quvenzhané Wallis sidérante de naturelle, de charisme et de présence. Impossible de résister à ses envolées poétiques, sa moue boudeuse, sa voix douce comme du miel, ses allures de garçon manqué, son opiniâtreté, sa force de caractère et sa fragilité. Hushpuppy est un personnage magnifique, une petit fille de six ans forcée par les événements à devenir adulte bien avant l'heure et c'est avec beaucoup de tendresse et d'émotion que Benh Zeitlin nous invite à suivre son parcours. Sous ses allures de guerrière avec cette armure bien trop grande pour ses fêles épaules la petite Hushpuppy est aussi constamment en quête de la tendresse que son père lui a trop rarement donné comme le prouve la magnifique séquence durant laquelle elle danse blottie dans les bras d'une jeune femme. Forgée comme l'acier à rester dur qui qu'il arrive, façonnée pour être forte au cœur des tempêtes par un père qui condamne la moindre manifestation de faiblesse et lui interdit de pleurer, les rares moments durant lesquelles Hushpuppy se laisse aller à ses émotions n'en sont que plus bouleversant encore. Il suffira donc de quelques larmes lors d'une scène d'une pudeur et d'une tendresse infinie pour faire fondre le plus endurcit des spectateurs. Un peu à la manière de Hushpuppy collant son oreille sur la poitrine des animaux, le spectateur va ressentir battre en lui le cœur d'un film intègre, sincère et magnifique qui possède ce foutu supplément d'âme qui fait défaut à tellement d'autres films. C'est donc galvanisé d'espoir que l'on verra la petite Hushpuppy brandissant un drapeau noir avancée fièrement sur une digue submergée par les eaux....


Les bêtes du sud sauvage est donc un vrai coup de cœur, un tourbillon d'émotion qui vous embarque pour ne plus vous lâcher jusqu'au bout de son générique de fin histoire de rester le plus longtemps possible dans son univers bercé par la superbe musique signé par Benh Zeitlin hitself. Il y-a dans ce film de la tête et du cœur, de la rage et de la tendresse, de la poésie et de la colère, il y-a surtout l'âme et l'espoir de voir le monde survivre avec des hommes et des femmes conscient et fier d'appartenir à un univers qu'ils ne doivent pas contrarié mais apprivoisé pour vivre en harmonie avec la nature.

Créée

le 2 déc. 2018

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Freddy K

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