Je surnote le film. J'en ai conscience. Sur le plan technique, il y a trop d'imperfection. Les chansons sont une déception, par rapport à la beauté des "Chansons d'amour". Le rythme est mal soutenu, et la direction d'acteur est catastrophique (Catherine, Ludivine, qu'a-t-on fait de vous ?)
Pourtant, je surnote ce film. Pourtant, je suis sortie en larmes de la salle. Comme pour les chansons d'amour, j'ai honte d'avoir autant aimé, mais j'ai profondément aimé. "Les chansons d'amour", c'était une succession de chansons superbes mal agencées et mal interprétées dans une histoire bancale. Ici, le scénario a gagné ce que les chansons ont perdu.
"Les Bien-Aimés" c'est avant tout une histoire. Une histoire si profondément vraie et touchante que les défauts de la narrations ne suffisent pas à la gâter. "Les Bien-Aimés" c'est le récit de la vie désabusée et douloureuse de deux femmes, une mère et une fille, victimes plus ou moins consentante de leur cœur trop grand, trop amoureux. La mère, prostituée occasionnelle, savait que sa beauté pouvait lui apporter tout ce que la vie ne lui avait pas donné. Mais elle a rencontré le père de sa fille et n'a rien pu faire d'autre qu'en tomber amoureuse, comme ça, sans raison, sans explication. Ce n'était pas un homme idéal, au contraire, c'était un tyran égocentrique et incapable de comprendre comment marche le monde autour de lui. Ce n'était pas une relation heureuse. Au contraire, c'était une relation qui lui faisait perdre tout sentiment de valoir quelque chose. Mais elle n'y peut rien, elle a rencontré cet homme-là, cet homme ordinaire, pas plus beau, ni plus intelligent qu'un autre, et elle n'a plus réussi qu'à penser qu'à lui. Oh, évidemment elle a bien tenté de s'en défendre, de divorcer quand le mari s'est mis à la tromper, de se remarier avec un autre, plus gentil, plus respectueux, plus tendre. Mais elle n'a plus pensé qu'à lui, jusqu'à ce qu'il meure. En dépit de tout ce qu'elle avait la possibilité de trouver, en oubliant cet homme, en le chassant de son coeur, en reconnaissant sa cruauté, son mépris.
Sa fille, devenu grande, s'est enfermée dans une situation semblable en se morfondant d'amour pour un homme, malgré qu'il lui ait avoué son homosexualité dés leur première rencontre. Elle aurait pu, pourtant, se détourner de lui, essayer de répondre à l'amour que lui portait son meilleur ami, mais elle non plus, n'y pouvait rien, elle n'a plus pensé qu'à lui, elle aussi.
Et il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre que la mort les délivre. Faire semblant, à la rigueur, de vivre malgré ça. L'amour est un accident cruel et injuste contre lequel on ne peut pas lutter, et la mère, la fille, le père, le beau père, le meilleur ami, l'homosexuel, en ont tous conscience. Tellement profondément conscience que ça les ronge. Mais il n'y a rien à faire contre, juste chanter des chansons pour qu'au moins quelque chose de beau sorte de tout ce désespoir. Et réaliser, à la fin, que toute cette souffrance était préférable à ne rien ressentir du tout.
Alors oui, pardon, je surnote. Plus exactement, je note avec mes tripes plutôt qu'avec ma tête. Et au fond, est-ce vraiment surnoter ? Parce que pour qu'un film me retourne le coeur comme ça alors que les acteurs hânonent leur texte sans conviction, et que des moments s'étirent à l'infini inutilement, il faut que le potentiel de base soit si grand que la mauvaise réalisation n'a pas pu le gâcher.
Ce film n'est qu'un scénario, comme les "chansons d'amour" n'étaient que des chansons. Et à lui seul, ce scénario justifie que le film existe. Tant pis s'il est mauvais. C'est aussi ça, l'amour, avoir conscience que l'objet aimé est imparfait, mais ne pas pouvoir s'empêcher de l'aimer quand même.