" Mais rien ne vient ni ne m'entraîne "
C'est comme ça que j'aime Honoré. Quand il fait semblant d'être dans la légèreté, le détachement pour en fait nous en dire beaucoup sur toute une vie, une longue vie qui fait se mêler plusieurs générations de femmes et qui pour notre plus grand bonheur réuni à la fois Catherine Deneuve, la grande actrice de notre cinéma français et la tout aussi superbe Chiara Mastroianni, sa fille dans le film et dans la vie, qui se révèle ici. Pour moi, un de ses plus grand rôle, la scène où elle danse dans le bar est absolument superbe, c'est comme l'éclosion de cette actrice, qu'Honoré a eu le temps de connaître depuis leurs nombreuses collaborations.
Et puis, c'est la mort qui survient, brutale, prenante, entêtante et qui ne cesse de nous envahir en plus des amours blessées, entêtantes elles aussi. L'amour de jeunesse que l'on n'oublie pas, celui qu'on n'aura jamais plus, celui qui est inatteignable mais auquel on s'accroche. Ou encore l'amour pluriel, l'amour impossible également dans lequel se complaisent la plupart des personnages d'Honoré, comme si choisir l'impossible était un moyen pour eux d'aimer souffrir, sans pouvoir faire autrement finalement.
Car oui, ce sont des mal aimés, des gens qui n'y parviennent pas alors que pourtant tout aurait pu les y inviter. Ils se heurtent aussi à l'histoire, enfin l'Histoire, celle qui raconte aussi nos vies, et qui les façonne.
Au milieu de tout ça, un rythme temporel très bien maîtrisé, on suit alors Madeleine des années 60 où elle est vendeuse de chaussures, au soir de sa vie où elle regrette tant, attendant encore "les tempêtes de l’inéluctable". La superbe scène (et chanson) qui fait se réunir les quatre actrices, représentant deux étapes de la vie de Madeleine et sa fille est superbe pour passer des années 60, un peu moins enthousiasmante qu'une deuxième partie plus axée sur les thèmes porteurs d'Honoré: la famille, la peur, l'amour, la destruction, la renaissance... Et les triangles amoureux (il y en a deux ici voir trois).
Oui, "comme la vie a passé vite" pour ces personnages tout autant attachants que détestables, des personnages qu'Honoré façonne dans des postures tout autant romanesques, qu'impensables, comme cette femme qui veut absolument un enfant d'un homme qui ne peut l'aimer et qui en plus a le sida. Bref, c'est Honoré qui parle de ses préoccupations, l'amour, le sexe la mort, la perte, l’autodestruction. Et surtout le manque, celui qui empoisonne une vie, celui qui ne s'explique pas et qui nous cloue au sol. On tente alors de s'envoler dans la superbe partition de Beaupain, magnifiquement mise en scène par Honoré (preuve: http://www.youtube.com/watch?v=hHqUDLoypbc). On retrouve alors tous ceux qu'on aime: Ludivine Sagnier et sa mine boudeuse et Louis Garrel qui à enfin son rôle de "mal aimé" chez Honoré, ici il souffre pleinement, il n'est plus le fou-fou d'autrefois. Contenu, il se libère. Il nous touche en plein coeur. Son amour est le plus impossible. C'est inéluctable les drames ici sont tout autant historiques que personnels et ils font du cinéma coloré, enlevé, dramatique. La vie dure, la vie continue, la vie s'éteint aussi, le cinéma d'Honoré flamboie.