L’appellation assez dépréciative des « abonnés cannois » désigne ces réalisateurs habitués de la compétition, et dont la participation n’est même plus questionnée, au point de voir ronronner des sélections où chaque auteur vient proposer une œuvre qui cochera toutes les attentes, sans plus vraiment surprendre. On l’a vu pour Almodovar, Nani Moretti ou les frères Dardenne, et Kore-eda semble, avec son nouveau film, prendre discrètement cette voie. Les Bonnes étoiles a beau exporter ses thématiques coutumières en Corée (après la France dans le très oubliable La Vérité en 2019) et s’offrir les services de la superstar Song Kang-Ho, il ne faudra pas s’attendre à un véritable renouveau. Il sera en effet toujours question de familles brisées, de la question cruciale de la filiation et de la manière dont la recomposition par une famille choisie est peut-être la seule solution apportée au désamour contemporain. Une sorte de relecture, en somme, de Tel Père, tel fils ou d’Une affaire de famille, films qui ont assuré le succès à leur réalisateur, et qui en offre ici une nouvelle variation, à travers un road-movie prenant d’abord des allures de cavales sur un trafic de nourrisson, avant que n’émergent une initiation plus solide au lien familial et à l’altruisme.
L’humanisme du réalisateur infuse donc cette virée un brin bancale, dans laquelle la maladresse des « criminels » n’est qu’un prélude à de plus sains élans : la délicatesse de certains échanges décape progressivement le mensonge généralisé (lui aussi au centre d’Une affaire de famille), et révèle les failles, la solidarité et la fuite en avant d’âmes perdues. Si certaines scènes fonctionnent, notamment grâce au jeu toujours impeccable de la distribution, les bonnes étoiles cèdent le pas aux bons sentiments, jusqu’à frôler la mièvrerie. Que ce soit dans la poursuite des femmes flics ou l’arrivée d’un enfant, toute la progression du périple semble obéir à une défilé d’ondes positives, et aligne les scènes attendues (éclats de rire, jeu de la communauté, confidences intimes dans les larmes…) en soulignant assez lourdement les parallèles entres les différents membres du groupe. Il ne suffit pas de citer Aimee Mann et Magnolia pour en convoquer la puissance mélodramatique : l’entreprise de séduction n’échoue pas sur toute la ligne, mais la longueur du récit (2h10) et la mécanique un peu stérile de ses procédés condamne ce road-movie à un surplace assez regrettable.