Bon allez, je vais certainement être dans une minorité minoritaire, mais ce film de Hirokazu Kore-eda ne m'a pas touché. Pour moi, c'est un ratage. Et pourtant que ce soit bien clair, j'apprécie ce cinéaste. J'en ai trop peu vu de lui (promis, promis, promis, je me rattraperai !), mais le trop peu vu est très loin de m'avoir déplu.
Alors, il est où le souci pour moi ? Que ce soit bien clair, ça n'a absolument rien à voir avec le fait que le cinéaste japonais est allé voir du côté de la Corée du Sud. La distribution (dont, bien sûr, le fameux Song Kang-ho !) est impeccable. La caméra du cinéaste est aussi à l'aise pour filmer les décors urbains ou ruraux sud-coréens que pour filmer ceux de son pays. Non, en fait, le souci, c'est la naïveté qui contamine l'ensemble du début jusqu'à la fin.
Dans son cinéma, Kore-eda aime ses personnages, tous ses personnages (excepté, bien sûr, les antagonistes vraiment irrécupérables !). A vrai dire, je crois qu'il faut bien remonter à Frank Capra pour trouver un réalisateur qui aime autant ses personnages, qui a envie de ressortir avec puissance ce qu'ils ont de meilleur en eux. Et c'est beau, c'est très beau. Ce qui ne veut pas dire, autant pour Capra que pour Kore-eda (enfin, pas pour ce film, malheureusement !), que les défauts de ces caractères soient occultés, qu'ils soient forcément dénués d'un côté trouble.
L'exemple qui trottine sans arrêt dans ma tête, lors de la rédaction de cette critique, c'est surtout la Palme d'or, Une affaire de famille. Ce film défonce autant la société japonaise qu'il aime les "membres" de la "famille" de l'histoire. Ces derniers kidnappent une petite fille, maltraitée et négligée par sa mère. Le fait que l'enfant trouve un bonheur qu'elle n'avait jamais connu auparavant pousse réellement à sympathiser avec tout ce beau monde, même s'il est question de rapt et de vol à l'étalage. Pourtant, il y a des aspects glauques qui ressortent. Ce qui pousse le spectateur ou la spectatrice, dérangé(e), à s'interroger vu que la complexité pousse plus à se poser des questions qu'à donner des réponses. Et cette complexité est inhérente à l'âme humaine. Ce qui rend l'oeuvre récompensée à Cannes juste, les personnages vrais et attachants parce qu'ils sont vrais, on s'identifie à eux.
Là, dans Les Bonnes Etoiles, point du tout. Tout le monde est gentil, tout le monde est bien intentionné, voilà. Les deux qui volent des bébés abandonnés pour les vendre, ils sont gentils, ils ne pensent qu'au bien-être du nourrisson et pas exagérément à se faire de la thune. La mère, elle est gentille aussi. Les deux flics qui les surveillent sont gentilles aussi. Les deux gangsters qui auraient pu être un bon vecteur d'angoisse, d'intensité (aux abonnées absentes tellement la gentillesse est étouffante de gentillesse !)... euh, eux, ils sont méchants, mais comme l'intrigue ne les exploite pas du tout (pourquoi les avoir mis là alors ?), ça n'a pas d'importance, donc, ça reste gentil. Pour la nuance, on repassera.
Bon, Kore-eda se sent obligé sur la toute fin de faire en sorte que la réalité rattrape les protagonistes. Je me rappelle que devant Une affaire de famille, cette inévitable partie de la réalité qui rattrape tout le monde m'avait fait hurler intérieurement de rage, tellement tout ce qui y était présenté était crédible. Euh là, la réalité rattrape aussi, mais gentiment, très gentiment, parce que la réalité est gentille. Non, non, pas la réalité dans un univers merveilleux ou je ne sais quoi, non, non, il s'agit bien de la réalité dans un univers s'approchant le plus possible de notre réalité. Oui, oui, la réalité réelle est gentille.
Evidemment, ici, l’adjectif "gentil" est employé comme synonyme de "naïveté" et d'"invraisemblance".
Tiens, à propos d'invraisemblance, si la police avait des doutes en ce qui concerne des actes aussi graves que le kidnapping et la vente de bébés, elle ne se contenterait pas de mettre deux clampins surveillant les suspects au loin dans leur voiture. Elle mettrait la gomme (mise sur écoute, enquête discrète et approfondie sur les agissements passés de nos deux gentils, etc. !). De plus, la situation de départ n'a rien de crédible. Pourquoi les deux policières n'arrêtent pas les protagonistes tout de suite, dès le début ? Pour les prendre en flagrant délit ? Il n'y a pas moyen plutôt de remonter aux précédentes "ventes" pour les empêcher de continuer de nuire, car, l'air de rien, il y a aussi le risque de mettre potentiellement un bébé en danger (la police n'est pas censée savoir que les suspects sont des gentils très gentils !) ? Et en ce qui concerne la mère, sans trop en dévoiler, par rapport à ce qu'elle a fait avant le "dépôt" de son gosse ?
L'humanité ! Oui ! L'amour ! Oui ! La naïveté ! Non !