Un bon film, qui peine à s'embraser
Après avoir offert l’Oscar du Meilleur acteur pour Jeff Bridges via Crazy Heart, le réalisateur Scott Cooper nous revient avec un second long-métrage assez imposant sur le papier. Il n’y a qu’à voir le casting qui y est proposé ainsi que les producteurs qui s’occupent du projet (Leonardo DiCaprio et Ridley Scott, rien que cela !). Amplement suffisant pour que nous soyons intéressés par ces Brasiers de la Colère (reprise du titre Les Raisins de la Colère, contre Out of the Furnace en VO). Il ne reste plus qu’à voir si le cinéaste arrive à s’en sortir, aussi bien du côté de la mise en scène que sur le point scénaristique (étant co-auteur avec Brad Ingelsby).
Les Brasiers de la Colère, c’est un portrait. Celui d’une Amérique profonde en crise. Qui dépeint le calvaire des ouvriers à gagner leur vie (via le personnage joué par Christian Bale). Qui essayent de faire avec ce qu’ils ont, trouvant leur bonheur que dans leur quotidien (amis, amour…). Alors qu’ils doivent travailler dans la crasse, dans une usine qui risque du jour au lendemain de fermer ses portes. Mettant ainsi ses employés au chômage, qui auront du coup bien du mal à retrouver un nouveau poste ailleurs, ne sachant faire qu’une seule chose. Un constat énormément souligné dans ce film par le biais de la mise en scène de Scott Cooper, qui prend son temps à filmer certains plans avec l’usine trônant en plein milieu de l’image. Ou encore le visage fatigué de Christian Bale, qui prétend pourtant que travailler, c’est vivre, même si l’on n’a pas le choix.
Il s’agit également d’un portrait d’une Amérique hantée par la guerre (ce coup-ci entrevue à travers le personnage interprété par Casey Affleck). S’intéressant plus particulièrement aux soldats prêts à partir sur le champ de bataille et qui s’en retrouvent transformés au retour. Parce qu’ils ont vu des choses inhumaines (des bébés en morceaux). Parce qu’ils ont commis des actions qu’ils ne peuvent pardonner, surtout à eux-mêmes. Alors qu’il ne s’agissait que de leur « job ». Un job qui leur fait risquer leur vie, sans aucune compensation en retour. Entraînant du coup ces soldats dans la déchéance alors qu’ils tentent de se reconstruire socialement. Usant de tous les moyens possibles pour y parvenir. Quitte à gagner de l’argent via des combats de rues qui, dans un sens, leur permettent de libérer toute cette haine qui les parasite.
Deux portraits bien distincts, mis en scène sobrement mais avec savoir-faire. Avec une bande-originale agréable à écouter (composée par Alberto Iglesias, un habitué de Pedro Almodóvar) et une ambiance souvent pesante, qui fait ressortir la violence ou l’émotion d’une séquence. Faisant preuve d’une mise en scène contrôlée et soignée de bout en bout ! Sans oublier les comédiens qui répondent présents. Tous montrant qu’ils sont excellents ! Que ce soit Christian Bale ou bien Forest Whitaker, en passant par Woody Harrelson et Willem Dafoe. Avec la participation d’un Sam Shepard fort peu présent sur nos écrans. L’occasion également de voir que Casey Affleck est un acteur de grande renommée, au-dessus de son éternel second rôle dans Ocean’s Eleven. Et que Zoë Saldana peut être une très bonne comédienne. Qu’elle peut se détacher de Neytiri (Avatar).
Les Brasiers de la Colère, c’est également une histoire entre deux frères. L’un menant sa vie comme il peut (et ce même après un passage en prison), tentant de remettre son cadet sur le droit chemin. Ce dernier essayant de sortir d’une sorte de traumatisme post-Irak. Dont la mystérieuse disparition va entraîner le premier à sortir de ses gonds. Qui doit du coup affronter une déception amoureuse (sa copine l’ayant quitté durant son séjour en cellule pour un autre), une police qui semble désintéressée mais surtout impuissante face à l’enquête en cours et la réputation de véritable bad guy qu’endosse le coupable du jour. Une histoire qui avait de quoi toucher le plus sensible d’entre nous, par le biais d’une puissance scénaristique que l’on attendait forcément de la part de ce film.
Seulement, le film de Scott Cooper, ne mérite pas spécialement son titre français. Attendant toujours que ces brasiers explosent au grand jour. La faute à l’histoire, certes aux personnages et séquences travaillés, mais qui ne sort nullement de l’ordinaire. Sans omettre le fait qu’il peine à démarrer, en plus de cela. En effet, il faut attendre vers le milieu du film pour que l’enquête annoncée prenne enfin forme et que le protagoniste principal commence à exploser. Une longue exposition, servant à présenter les personnages et les enjeux en jeu, qui perd son temps dans certains détails prévisibles (du coup, la mise en scène volontairement lente y est aussi pour quelque chose). De ce fait, la puissance tant annoncée perd énormément d’ampleur. Et ce même s’il en reste suffisamment pour émouvoir (comme Bale tentant de récupérer Saldana et que celle-ci éclate en pleurs, désolée de lui annoncer que ce n’est pas possible parce qu’elle est enceinte, entraînant ainsi Bale dans sa tristesse). Des moments intenses qui permettent de sauver le film d’une platitude qui n’était vraiment pas permise pour un tel long-métrage.
Il est certain que Les Brasiers de la Colère se révèle être une petite déception du point de vue scénaristique. Car il se présente à nous comme un bon film, rien de plus. Alors qu’il avait pas mal de cartes en mains pour être une véritable claque, à l’instar de Prisoners. Mais que Scott Cooper se rassure, son film montre à quel point il est un réalisateur à suivre. Un directeur d’acteurs talentueux. Un metteur en scène plutôt doué. Un scénariste assez habile pour ce qui est de mettre en avant certains thèmes par le biais de l’image. En espérant toutefois que son prochain projet ne suive pas ce classicisme qui s’accroche à sa semelle depuis Crazy Heart.