Support: Bluray
A l’association John Ford et John Wayne, on pense irrémédiablement western. D’autant plus lorsque le cadre est celui de la Guerre de Sécession. Mais il serait illusoire de croire que The Horse Soldiers s’inscrit dans cette lignée, tant il est un pur film de guerre, loin des motifs habituels du duo. Une œuvre dans laquelle l’expérience du réalisateur sur les fronts du conflit 39-45 suinte de tous les pores, rendant cette boucherie, fratricide qui plus est, comme la plus lourde des erreurs humaines.Car si John Wayne et William Holden se tirent joyeusement la bourre pendant tout le film, et que l’humour ponctue tout le récit, c’est avant tout l’anti-bellicisme qui prévaut.
De par les personnages d’abord. Holden, le médecin qui ne porte pas d’arme, Wayne, le cantonnier dont les tactiques de sabotage au delà des lignes ennemies cherchent à éviter l’affrontement direct et qui s’est extrait par son travail de sa condition sociale, et tous les autres officiers et soldats présentés, issus de la politique, de la comédie ou de la bouteille, mais jamais d’une carrière militaire. Ces hommes ne sont pas là par choix et subissent les outrages de la guerre aussi bien lorsqu’ils perdent des hommes que lorsqu’ils doivent abattre des frères d’hier. Un choix de présenter l’individu ordinaire propulsé sur le champ de bataille qui trouve son paroxysme alors qu’un régiment de gamins imberbes est envoyé comme dernier rempart contre l’avancée yankee.
De par le choix des scènes de Ford ensuite. Ici, pas d’affrontements spectaculaires, pas de batailles rangées. Tout juste quelques escarmouches qui vous tombent sur le coin du nez alors que la caméra qui a délaissé les reliefs de la Monument Valley se balade entre les rivières du Midwest, et un massacre en ville, filmé comme à contrecœur. Une scène absurde où les esprits, chez les bleus comme chez les gris, ne sont plus là. Les premiers tirent à foison tels des automates, tandis que les seconds chargent à découvert, sans se défendre, ivres de la confusion de ce conflit. Et Wayne de trouver refuge au fond de la bouteille à la suite du carnage, et de rugir sa frustration au fou qui ose crier victoire.
Alors les parenthèses, les respirations, amenées par le personnage captif de Constance Towers, semblent nécessaires. De même qu’elles apportent une légèreté bienvenue, elles permettent également une reconstitution de cette époque, notamment via le personnage de Lukey, son esclave. Si le traitement de la condition des noirs est léger, il n’en est pas moins juste. La relation de Lukey et de Miss Hannah est complice, mais la maîtresse ne semble pas réaliser la réalité de la condition de sa confidente, pas avant que celle-ci ne rencontre son destin de façon totalement gratuite (et donc crédible) et ne vienne remettre en doute tout ce que la propriétaire du sud pensait savoir. Le choix de Althea Gibson, tenniswoman au sommet devenue figure iconique de la communauté noire-américaine, n’est en ce sens pas anodin, et de même que Ford donnait de beaux rôles aux natifs dans Fort Apache, il ne laisse pas les noirs de côté ici.
“I usually build railroads” nous sort Wayne, comme un aveu de Ford. Loin des westerns, The Horse Soldiers a souffert d’un tournage très difficile, de par son duo d’acteurs insoufrables, et la mort d’un cascadeur et ami de longue date du cinéaste. Une production déprimée qui semble transparaître dans un film beaucoup plus sombre qu’il ne semble être au premier regard.