La guerre à coup de fessées
John Ford sait merveilleusement bien raconter une histoire. Ses films, surtout ses westerns, sont avant tout d'extraordinaires divertissements. Actions, humour, amour et amitié, beaux décors naturels, tout y est pour passer deux heures passionnantes. Ce qui est le cas ici.
La première chose qui frappe, c'est d'ailleurs l'humour du film. L'opposition entre les deux personnages principaux (l'officier et le médecin) est traitée sur un air de comédie qui ne cessera pas de tout le film. Mais l'humour ne se limite pas à ces deux personnages : le soldat alcoolique ou les militaires obligés de faire sécher les culottes de Mademoiselle Hunter, la bonne humeur est très présente dans quasiment tout le film.
On voit très bien que tout le film est basé sur ses personnages. Et ceux-ci sont typiquement fordiens, avec amitié virile et une humanité qui se cache derrière une apparence dure et faussement brutale. Les répliques sont cinglantes et les personnages principaux sont très fouillés. D'un côté, un officier très sûr de lui dont la stratégie reste mystérieuse et semble parfois suicidaire. De l'autre côté, un médecin très attaché à sa mission humaine et qui n'hésite pas à employer le cynisme pour dire tout le mal qu'il pense des militaires et de la guerre.
Mais attention, Les Cavaliers ne se résument pas à une agréable comédie militaire, loin de là. C'est aussi une attaque brutale contre la guerre. La scène du saccage de la ville est caractéristique de la violence des conflits et des victimes civiles qu'ils laissent derrière eux. Ford nous rappelle qu'un bon soldat ne cherche pas la guerre; il en est même dégoûté. Il faut parfois être dur mais ça n'empêche pas de regretter ce qui se passe.
Le personnage du médecin permet au cinéaste d'insister sur les victimes, blessés ou mourants.
Enfin, le film met en évidence les divisions d'un pays. Il est réalisé à la fin des années 50, à une époque où cette division n'est pas encore résorbée (il faut voir comment les Noirs étaient traités dans le Sud à cette période pour s'en rendre compte). Ford condamne les bellicistes de tous bords. Il nous rappelle que rien n'est pire qu'une guerre civile, où les amis d'un jour deviennent des ennemis le lendemain.
Une réalisation qui paraît donc simple, discrète, mais qui multiplie les plans d'une grande beauté (voir l'explosion du pont, par exemple). Le film est passionnant, intelligent, drôle mais aussi parfois dramatique. En bref, une grande réussite.