Falcon Lake, Simple comme Sylvain, et maintenant Les Chambres Rouges. Voici trois films que j'ai vus récemment, démontrant à quel point le cinéma canadien est en train de sortir de sa tanière et de s'émanciper (pour nous, Français) de son porte-étendard : Xavier Dolan.
Les Chambres Rouges est une œuvre tout simplement parfaite, à laquelle le statut de film "culte" lui sera évidemment attribué, j'en suis totalement convaincue, et je vais vous expliquer pourquoi.
Le film aborde le procès de Ludovic Chevalier, accusé d'avoir sauvagement assassiné trois jeunes filles, en ayant filmé ses actes barbares pour les diffuser en direct sur des sites du Dark Web. En réalité, le film ne parle pas tant d'un procès. Les Chambres Rouges traite de l'un des plus grands vices de la race humaine : le voyeurisme. À travers le personnage de Kelly-Anne, jeune mannequin talentueuse et particulièrement douée avec Internet et ses secrets, ayant une profonde obsession pour Ludovic Chevalier.
À travers cette jeune femme, le film nous entraîne dans une longue et douloureuse descente aux profondeurs malsaines de l'humain. Humain dont, évidemment, nous, spectateurs, faisons partie, et bon sang, que le film le comprend bien ! J'ai été surpris à plusieurs reprises, souhaitant en "voir" plus sur ces meurtres, puis me rétractant en me disant que j'étais peut-être tout aussi malsain que les voyeurs dépeints dans le film. Et cette énorme force du film réside dans sa mise en scène, tout simplement époustouflante et parfaitement adaptée à ce que le film raconte. Tout est glaçant, tout est sale, presque insoutenable, sans jamais montrer quoi que ce soit d'insupportable, et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi mal à l'aise devant un film. Ici, la suggestion est gérée d'une main de maître.
Mais pour que tout cela fonctionne, il faut des actrices habitées, et ça tombe bien, car Juliette Gariépy m'a tout simplement renversé ! Je l'ai trouvée angélique et tendre la première fois que je l'ai vue, puis elle m'a paru insensible, froide et terriblement dérangée au fil de son histoire. De l'autre côté, nous avons Clémentine, une jeune groupie de l'accusé, plus sensible et naïve, qui, par son innocence, ramène un soupçon d'espoir et de lumière dans ce tunnel d'obscurité dans lequel nous sommes plongés durant 2 heures de film. Laurie Babin, qui incarne cette jeune fille, paraît d'un naturel tel que je me suis demandé si elle était réellement actrice. Toute l'horreur à laquelle les deux personnages assistent nous est retranscrite uniquement par leur visage, par leurs yeux, et c'est d'une telle force que l'on arrive à se faire des images des atrocités que l'on devine, et ça fonctionne incroyablement bien !
Mais vous savez ce qu'il y a de pire que de voir des atrocités ? Les entendre ! Et là encore, le travail du son est tout simplement phénoménal. Dominique Plante, compositeur de la BO, nous livre des partitions exceptionnelles décrivant musicalement exactement ce que l'on ressent en visionnant le film. Ses instruments hurlent, comme l'ont fait ces jeunes filles assassinées brutalement. Aucun moment de répit ne nous est donné, la musique est quasiment toujours présente, comme pour nous dire que rien ne s'arrêtera, le mal existe et existera toujours, car l'humain est foncièrement mauvais.
Je pourrais en parler encore sur des lignes et des lignes. Les Chambres Rouges est plus qu'une réussite, c'est un film à l'inquestionnable perfection, un film qui vous hantera, qui vous gênera peut-être, mais un film tellement important ! Voyez Les Chambres Rouges, c'est grandiose !