Quoi ?
Pourquoi ?
Ce sont les deux questions qui me sont instantanément venues en tête lors du générique de fin. Qu’est-ce que je viens de regarder ?
Les chambres rouges est un bon film. La mise en scène est propre, les acteurs sont convaincants, la narration est bien amenée… mais pourquoi ?
Pourquoi Kelly-Anne est là où elle est, pourquoi Kelly-Anne fait ce qu’elle fait.
Quelles sont ses motivations.
Après avoir pris le temps de visionner de nouveau quelques scènes, j'ai compris ce qui m'avait échappé.
La réponse est assez simple et c’est ce qui m’a empêché de donner la note de 7 au film à défaut de pouvoir lui donner un 6,5 tant cet aspect de la narration m’a mitigé.
Je pense qu'il existe plusieurs grilles de lecture pour analyser le personnage de Kelly-Anne:
Kelly-Anne est obsédée. Elle a une obsession morbide pour le gore, le lugubre, le trash, une obsession qui l’a consume à la manière d’un Michael Fassbender dans Shame. Une obsession autrement plus dérangeante, macabre, qui contraste avec sa beauté exceptionnelle. Une obsession dégradante au vu de son génie, de sa virtuosité de geek à l’instar d’une Elizabeth Salander. Une passion dégueulasse à laquelle elle s'adonne comme une groupie pathétique, jusqu'à la déchéance.
Aucune mention de sa vie passé, aucune mention de sa famille, aucun mention de ses amis, aucun amant, peut-être vit-elle un moment de transition, une tragédie interne débordée par des pulsions au abord d'une vie rangée et réussie, peut-être est-ce sa manière de catharsiser un traumatisme passé.
L'hypothèse que je privilégie est beaucoup plus dérangeante.
Kelly-Anne est une obsédée, une sadique, elle jouit de la souffrance d'autrui. Elle est une détraqué, elle le sait, elle veut le vivre mais fait de son mieux pour s'en empêcher.
Par moment, sa cruauté morbide dans un détachement latent fait face, comme lors du visionnage du snuff-movie et sa volonté d'en imposer la vision à sa camarade effondré par l'horreur innommable de son contenu .
Quand elle décide de se travestir dans un jeu de rôle morbide, clin d’œil à son funeste acolyte, incarnation de ses déviances. Je ne pense pas que Kelly-Anne soit une fan, je pense que Kelly-Anne est une perverse qui a trouvé une occasion d’extérioriser ses déviances, ses obsessions.
Pensez-vous réellement qu'elle laisse sur la table de chevet sa clé USB par charité ?
Sa dernière action ne serait-elle pas une ultime punition collective, l'épanchement sournois et jouissif du mépris qu'elle éprouve pour les humains et le symbole de sa grande perversité.
Malheureusement, je pense que cette partie de la caractérisation de Kelly-Anne manque de cohérence. Le récit est fictionnel certes, ne serait-ce que par les talents informatiques de Kelly-Anne qui dépassent la simple virtuosité, ce que je déplore c'est surtout l'incompatibilité pour une personnage tel que Kelly-Anne à maintenir un environnement au antipode de sa personnalité si dérangée. Aucun pervers ne peut vivre une perversité si sombre sans subir un déséquilibre psychique profondément incompatible avec la vie rêvée de Kelly-Anne.
De même que Kelly-Anne jouit de trop de qualité que la noirceur de la psyché d'une personnalité si perverse ne saurait compenser.
C'est pour cette raison que je ne peux pas me résoudre à donner la note de 7 à ce film, qui est excellent par ailleurs mais qui a manqué, selon moi, un tout petit peu de justesse sur la caractérisation de son personnage principale.
Je pense que le film est très bon mais ce détail est une épine suffisante pour que je n'en fasse pas l'un de mes films favoris.