De premier abord, on pourrait croire à un film de procès québecois. Une sordide affaire de snuff en live, une salle de tribunal dont on va finir par connaître les moindres recoins durant les deux mois de jugement, et une protagoniste, Kelly-Anne qui vient hanter les bancs du public. Sauf que le fond de l’affaire n’est pas anodin, car outre le caractère meurtrier des crimes commis, c’est leur lien avec la technologie qui met la machine en branle.
Car Kelly-Anne, glaçante spectatrice dont les motivations ambiguës motivent le film, n’est pas une cruche en matière de high-tech, loin s’en faut. On la suit mener une enquête sans vraiment comprendre ce qui la pousse, mais en décelant dans le fond une affaire de bourreau et de justicier, tous deux produits de l’ère de l’information à outrance. Une ère dont les dérives se multiplient à l’aune de son évolution, que les régulations étatiques peinent à suivre. Un monstre qui a échappé à tout contrôle, et qui force l’émergence de e-vigilantes pour pallier les manques des institutions, désarmées.
Le thriller se pare d’un glacis, alors que l’appartement vide et froid de Kelly-Anne fait écho au palais de justice conçu sans une once d’esthétique, un objet purement fonctionnel. La vie de la jeune femme semble dénuée de sens, tout n’est qu’un jeu où le plus stoïque broie les émotifs. Ses errances sur les réseaux sont complémentées par une carrière de mannequin qui se fait dans un pur pragmatisme calculateur, sa plastique étant un atout qu’elle peut vendre sans forcer, en utilisant son frimas naturel comme image de marque. L’accusé se pose alors comme un défi, et non pas une quête vengeresse ou morale. Elle observe, et agit en conséquence, telle une veuve noire tapie dans un coin de la toile. De longs plans viennent s’attarder sur des points d’ancrage : l’insouciance apparente de l’accusé, le désarroi des victimes face à la monstruosité, et le regard, impassible, de Kelly-Anne.
Il suffira d’une lueur dans l'œil de sa proie pour qu’elle s’élance.
Et le spectateur ressort, avec un malaise. Justice est-elle faite?