Les Chèvres du Pentagone par zeugme
Il y a des films dont on se dit qu'ils ont été tournés parce que quelqu'un s'est dit qu'il allait essayer d'en faire braire le plus grand nombre. Les hommes qui regardent des chèvres est un film piège dans la plus grande tradition des films pièges : il prétend parler d'un sujet duquel il ne traite finalement pas, et traite en sous-main de complètement autre chose. En prime, au vu de la liste des acteurs tout le monde a du y aller avec des attentes, et vu la terrible détermination avec laquelle ce film prend soin d'éviter de satisfaire n'importe quelle attente, il y a de quoi rire un bon coup.
Si vous ne l'avez pas vu, vous n'êtes pas beaucoup plus avancés à ce stade. Pardon. Chèvres - nous allons aller à l'essentiel ici - est un film qui prétend parler d'un homme qui va essayer de se dépasser. Cet homme va prétendre nous parler d'une unité secrète des États-Unis spécialisée dans le paranormal. Nous allons être témoin en parallèle de sa quête de vérité et de l'histoire de cette unité. Et au final, il sera essentiellement question d'Irak. Comme quoi ..
Il y a de tout pour faire rire ou rager dans ce film : des insides jokes de beauf, ou du moins lourdement soulignées (Evan Mc Gregor qui se fait expliquer qu'il doit devenir un chevalier jedi), des morceaux de l'histoire parallèle complètement absurde (avec la fameuse technique qui condamne un homme à mourir ... mais sans pouvoir savoir quand) et une histoire principale tout aussi absurde. C'est l'histoire d'un voyage au coeur du désert entre un paumé qui se cherche et un autre paumé qui cherche quelque chose sans savoir quoi précisément. Est-ce un buddy movie, un road movie ou un pamphlet camouflé contre la guerre en Irak ?
On y voit - en passant - le business de l'enlèvement, du quotidien de l'irakien occupé, des agences privées de sécurité qui font n'importe quoi, le business du correspondant de guerre qui se fait acheter à coup de scoop, des prisonniers torturés à la manière moderne et l'absurde décalage du confort des voisins de l'Irak.
En face de tout ça, un soldat hippie déprimé, vieilli et usé par tout ce qu'il voit qui fait un dernier tour de piste avec son élève le plus doué. Est-il doué ? Le doute subsiste jusqu'à la dernière séquence, masochiste et vraiment bête ou Evan Mc Gregor nous fait un petit tour qui rappelle la toupie de Inception. Mais si on oublie cette séquence, on reste sur le doute des capacités de George Clooney mais en contrepartie avec ce sentiment que malgré tout, même si tout est faux, son plan à fonctionné.
En somme, on a une résolution de la fausse intrigue (l'histoire de cette unité) et une charge contre la guerre moderne, réalisé de façon modeste et efficace. Seulement voilà, le masochisme des auteurs fait que ceux qui auront surmonté la déception de ne pas avoir le film qu'ils espéraient ou qu'ils auraient voulu en cours de route vont risquer d'être déçu par l'amoncellement de l'absurdité jusqu'à son apothéose. Un film qui plaira forcément aux fans des frères Coen, et qui m'a également séduit passé l'incrédulité initiale.
Tiens, encore un niveau supplémentaire d'ironie : ce film qui repose sur une prémisse qui laisse le protagoniste central incrédule a tout pour laisser le spectateur incrédule sur sa proposition centrale. Si c'est volontaire, ces gens sont des génies en plus d'être masochistes, mais je vais quand même en rester là et aller faire quelque chose de productif à la place.