Ultime western de John Ford, Les Cheyennes boucle un cercle commencé en 1917. Ford avoue lui-même :
Je voulais le faire depuis longtemps. J'ai tué plus d'Indiens que
Custer, Beecher et Chivington réunis et les gens en Europe ont
toujours voulu en savoir plus sur les Indiens. Il y a toujours deux
manières de regarder chaque histoire. J'ai voulu montrer ici le point de vue des Indiens, pour une fois. Soyons justes. Nous les avons maltraités. C'est une véritable tache dans notre histoire. Nous les avons roulés, volés, tués, assassinés, massacrés et si, parfois, ils tuaient un homme blanc, ont leur expédiait l'armée.
Le film retrace donc la logue marche de la nation cheyenne, affamée, spoliée, trahie.
À 69 ans, John Ford, dont l’œuvre n'a pourtant jamais témoigné d'un véritable racisme - souvenons nous de La Charge héroïque ou de La Prisonnière de désert -, ne peut cacher sa douleur devant l'inexorable extermination des Cheyennes.
Obligé (pour d'évidentes raisons commerciales) de faire jouer les chefs cheyennes par des acteurs connus et non par d'authentiques Indiens et d'inclure dans le cours de l'histoire l'épisode, assez amusant mais inutile, de Dodge City, Ford, malade, a dû laisser Ray Kellogg réaliser à sa place une partie des scènes.
Que ce film tragique et douloureux consacré à l'agonie des Cheyennes ait en même temps provoqué la maladie de son metteur en scène est à peine surprenant.
Combattant héroïquement un ennemi suréquipé militairement et supérieur en nombre, attachés à une Amérique ancestrale qui n'existe déjà plus, les Cheyennes ne trouvent comme défenseurs qu'une institutrice quaker, un capitaine non conformiste et, in extremis, le secrétaire à l'Intérieur Carl Schurz. Le moment (bouleversant) où celui-ci, après avoir décidé de prendre le parti des Indiens et de risquer ainsi sa carrière, s'adresse au portrait de Lincoln en lui disant : "Et toi, et toi, qu'aurais-tu fait?", le reflet de son visage côtoyant celui du président assassiné, indique clairement que pour Ford le problème des Indiens rejoint celui de l'esclavagisme.
Réunissant de nouveau Carrol Baker et Karl Malden, déjà partenaires dans Baby Doll d'Elia Kazan, donnant à James Stewart le rôle d'un Wyatt Earp folklorique, loin de celui campé par Henry Fonda dans My Darling Clementine, et dirigeant quelques-uns de ses acteurs de second plan préférés, John Ford fait ses adieux au western en dénonçant le génocide indien. La scène où Joe Homer abat froidement un Indien désarmé et affamé qui lui demandait à manger, avant de le scalper, est plus insoutenable que toutes les démonstrations modernes à la mode.