Le recours à la voix off n’est pas chez Ford une nouveauté. Toutefois, celle des Cheyennes a une importance capitale : elle explicite clairement le projet de porter à l’écran ce qui sera « considéré comme un détail de l’Histoire », à savoir le sort réservé aux populations indiennes.
L’intention est on ne peut plus louable, particulièrement au regard d’une grande partie de la filmographie de Ford, qui au crépuscule de sa carrière, tente d’équilibrer son discours, et d’opposer au mythe fondateur d’une Amérique wasp les éclaboussures de sang qui la souillent.
Le panorama des exactions est exhaustif : les réserves, le massacre des bisons, puis celui des autochtones se double d’un portait sans concessions de l’homme blanc, membre d’une cavalerie insensible, cowboy texan primitif ou journaliste intéressé par son tirage.
Au centre des échanges, Deborah la Quaker, un peu trop angélique et dont l’idéologie d’alphabétisation et de soins charitable manque certes de subtilité.
Le film suit l’exode des Cheyennes : trajets, retours, stratégies des fuyards et de la cavalerie à leur trousse ponctue non sans lourdeurs un récit qui s’épuise et s’étale sur 2h45. Certes, Ford tente de nouveau la carte de l’humanité bigarrée en proposant des incursions comiques dans ce film résolument triste. Mais l’intermède lui-même de Dodge City, conviant Earp et Doc Holliday pour quelques pitreries avinées convainc assez peu. Il donne certes une vision décadente de la ville de l’Ouest et sa bouffonnerie grossit le trait d’une civilisation blanche ridicule, mais cet ajout s’insère assez mal dans la dynamique générale.
Le dilemme concernant le sort de Cheyennes qui se sont rendus relance cependant les enjeux idéologiques et tragiques. Le scénario parvient une fois encore à concilier les vies intimes aux enjeux nationaux, et la poursuite de Deborah au fil des saisons et des décors n’est pas sans évoquer la trame générale de Searchers, à ceci près que la prisonnière est ici volontaire… Le massacre de Fort Robinson qui clot le film est assez éloquent sur l’échec de fragiles pourparlers face à la loi des armes, et achève de faire du film un adieu mélancolique aux grands idéaux démocratiques.

Trop long, un peu déséquilibré, Cheyenne Autumn pèche par excès de bonnes intentions, et par volonté de reproduire une formule qui ne fait pas mouche sur tous les sujets. Il n’en demeure pas moins nécessaire dans l’évolution du regard de l’Amérique sur sa propre histoire, et il est aussi réjouissant que légitime que le grand maitre du classicisme hollywoodien écrive le prologue des westerns pro indiens des 70’s.

Fin du (premier) cycle Ford.

http://www.senscritique.com/liste/Cycle_John_Ford/569939
Sergent_Pepper
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le 8 sept. 2014

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