Il faut attendre la moitié du film pour que la touche Mario Bava se fasse ressentir. Bien malin celui qui pourra associer Chiens enragés à son metteur en scène pendant la première demi-heure tant elle est loin du cinoche baroque du maître de l’horreur à l’italienne. Voir le bougre mettre les pieds dans le poliziesco pour composer avec ce que le genre a de plus scabreux, au moyen d’une ultra-violence qui s’annonce dès les premières minutes, c’est relativement inattendu.


Mais c’est aussi, et surtout, d’une percussion à toute épreuve, parce que l’homme n’a pas son pareil pour faire souffrir les corps, pour instaurer inquiétude et tension, et qu’il ne perd pas les bonnes habitudes qui ont fait sa réputation. A savoir un coup d’œil redoutable et un sens de la mise en scène impressionnant dès qu’il s’agit de faire monter la tension, d’autant plus qu’il est question ici d’envahir un espace aussi confiné que l’habitacle d’une petite voiture pendant la grande majorité du film. L’exercice est redoutable et relevé avec panache par un réalisateur qui confirme son sens de l’image à chaque montée dans les tours des 5 palpitants et demi qui peuplent le bolide en mouvement.


Chiens enragés est à 90% du temps d’un noir ébène, pourtant une séquence vient désamorcer son ambiance morbide, comme pour rappeler qu’on est au cinoche et qu’il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Lorsqu’à l’écran se perd une jeune femme au positivisme insolent, elle devient l’occasion pour Bava de jouer avec son public : la caqueteuse de compétition déguste à son tour, devant des visages satisfaits qui s’ornent d’un sourire narquois on ne peut plus déviant.


Certains diront que le twist final est l’accomplissement ultime d’une chevauchée bien menée. Je trouve pour ma part qu’on le voit venir d’un peu loin, même si cela n’enlève pas à la dernière séquence son cynisme radical. Une belle façon de conclure un road movie pas comme les autres, énervé, désespéré, qui s’autorise quelques sorties de piste d’une tonalité dépressive pour dessiner les sourires (nerveux, peut être).

oso
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le 27 sept. 2015

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