Il y avait beaucoup à redouter avec Les Choses Humaines : les gros sabots du cinéma français à message, la leçon à coup de c'est pas bien, ou encore le réquisitoire opportuniste, voire hypocrite.
Les vingt premières minutes du film, à ce titre, peuvent faire peur par la machinerie maladroite qui se met lourdement en place, avec son contexte bobo parigo csp +. Ainsi que par la caractérisation de l'agresseur, qui déstabilise de manière irréversible sa perception par le public et lui fera penser que non, il ne peut être totalement innocent dans cette histoire. Surtout avec son arrogance, sa jalousie, son désir inassouvi qu'il jette à la gueule de la caméra. Et puis il y a son héritage : celui de son père, nauséabond, qui ne se qualifie que de volage et de séducteur impénitent.
Comme s'il y avait une faute originelle qui se transmettait à travers les générations.
Mais quand le paysage dessiné de la culture du viol cède la place à l'intimité des faits, Les Choses Humaines prend son envol, pour ne plus jamais, presque, toucher terre, entre la fiction judiciaire et la réflexion morale. En sondant la zone où se télescopent le fossé social et religieux, la peur, la soumission silencieuse, la honte, les secrets, les mensonges et l'arrogance.
Yvan Attal y dessine par petites touches la perception dissemblable d'une même réalité, entre ombres, concessions et réticences des deux parties, prises dans la machine judiciaire et médiatique qui broient les âmes et font dériver, peu à peu, la vérité.
Et tandis que les accusations font exploser une famille, c'est la détresse et la souffrance qui atomisent l'autre. Autant de dommages collatéraux irréversibles. Et alors que le prétoire, décorum écrasant, devrait normalement faire éclater une vérité inaltérable, Yvan Attal n'y voit, lui, que la fange que l'on remue pour éclabousser la partie adverse, les témoignages de complaisance, les incohérences dans le récit, une innocence toute relative ou l'exploration de la zone grise.
Les Choses Humaines n'est jamais plus fort que quand il sonde ses deux personnages principaux, leurs failles, leurs manques et leurs comportements, en allant au delà des idées préconçues, mais sans jamais faire prévaloir une version des faits sur une autre, dans une structure proche de celle adoptée par Ridley Scott dans son récent Le Dernier Duel.
La superposition du verdict et de ce dernier plan, une porte qui se ferme pour ensuite s'ouvrir, teinte Les Choses Humaines d'une certaine forme de malaise. Car malgré l'enquête, malgré la confrontation et le procès, nous nous rendons au fait que nous ne connaîtrons sans doute jamais la portée du drame qui s'est déroulé cette nuit-là. Une sensation qui bouleverse, qui irrite et désole à la fois.
Behind_the_Mask, derrière la porte close.