Même si je n'ai vu que 3 de ses films, Tomotaka Tasaka est l'un des cinéastes japonais "classiques" qui me semblent bien trop méconnus en occident. C'était donc avec impatience que j'ai découvert ce film très réputé et loué par les critiques de l'époque. Et il faut vraiment réussir à se mettre dans la peau d'un spectateur de l'époque pour pleinement apprécier ce film qui a pris un sérieux coup de vieux il faut avouer : l’interprétation est plutôt rigide, il n'a pratiquement pas de vrais enjeux dramatiques durant la première moitié, patriotisme envahissant, absence de contexte géo-politique, une narration sans progression... Les personnages paraissent donc beaucoup désincarnés pour un rythme languissant.
Voilà, c'est plutôt compliqué pour un spectateur de 2018. Il y a 80 ans en revanche, le film était plus original, voire atypique, dans son approche du film de guerre. Bien que nationaliste (et impérialiste), le film n'est jamais belliqueux (les ennemis chinois ne sont que des lointaines silhouettes et on ne compte que deux morts en hors-champ) et ne glorifie jamais le militarisme. Cela dit d'après Tadao Sato, il semble que les films de propagandes japonais de l'époque étaient assez différents de ce qu'on pouvait imaginer mais il n'en demeure pas moins que Les cinq éclaireurs fut le premier à adopter ce ton et cette approche.
L'accent est mis sur l'attente, le doute, la frustration et surtout l'amitié. La fraternité est vraiment mise en avance et c'est tout le régiment qui forme à l'unisson un battement de cœur à la respiration suspendue en espérant que les éclaireurs rentrent vivant. Et ça ne devait pas être courant de voir des officiers bienveillant, encourageant leur blessés à partir se faire soigner plutôt que de se sacrifier inutilement sur le chant de bataille. De même, je ne suis pas sur qu'il était d'usage de montrer des soldats fragiles, fuyant devant l’ennemi et pleurant facilement, submergés par des émotions simples.
Il y a quelque chose de feutré, de contenu, de profondément dédramatisé dans le traitement à hauteur d'hommes. On peut penser finalement à du Henry King, sans que Tasaka n'atteigne le même lyrisme pudique. Mais ce dernier fait vraiment preuve à plusieurs reprises d'une réelle délicatesse et de chaleur avec quelques plans inspirés (un soldat ramenant des oies vers le campement, la marche des éclaireurs dans les hautes herbes ; le mouvement de caméra final).
Malgré tout, c'est une relative déception au vue de mes attentes et du souvenirs que je garde de Terre et Soldats (1939) qui pourrait presque en être une suite où Tasaka se montre plus à l'aise dans une veine quasi documentariste.