Depuis quelques années, les studios DreamWorks Animation peuvent enfin rivaliser avec Pixar tout en suivant leur propre voie. Quittant les longs-métrages un chouïa enfantins (Shrek ou du moins ce qu’est devenue la saga, Madagascar, et j’en passe !) pour se diriger plus vers le divertissement mature (dont Dragons est le parfait représentant en date). Et pour leur nouvelle production, la firme du pêcheur lunaire met les bouchées doubles : un budget de 145 millions de dollars, Guillermo del Toro (Blade II, L’Échine du Diable, Hellboy 1 et 2, Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim) officiant en tant que producteur, un casting vocal hors normes… allant jusqu’à être le premier film d’animation hollywoodien à gros budget dirigé par un Afro-Américain en la personne de Peter Ramsey. Un illustrateur qui s’est penché sur divers projets (Predator 2, Independence Day, Fight Club…) avant de rejoindre Dreamworks et de travailler sur quelques écritures concernant Shrek (le troisième opus et un téléfilm). Et qui, pour son premier long-métrage, se voit offrir du grand spectacle. Le bonhomme a-t-il réussi à nous émerveiller ?

Depuis bien des siècles, une troupe de personnages mythiques, constituée du Père Noël (Alec Baldwin / Miglen Mirtchev), le Lapin de Pâques (Hugh Jackman / Jérémie Covillault), la Fée des dents (Isla Fisher / Nolwenn Leroy) et le Marchand de Sable, protègent les espoirs et les rêves des enfants. Notamment contre le croquemitaine Pitch (Jude Law / Boris Rehlinger), qui instaure la peur. Bien qu’il ait été battu dans le passé, cet ennemi revient dans le but d’annihiler la croyance des enfants envers leurs gardiens. Le groupe aura fort à faire pour vaincre Pitch. Mais cette fois-ci, ils seront aidés par un cinquième « Gardiens » qui leur a été désigné : Jack Frost (Chris Pine / Gaspard Ulliel), un éternel ado solitaire qui ne pense qu’à s’amuser et vouloir se montrer au monde qui ignore son existence.

On pourrait presque croire que Les Cinq Légendes serait un dérivé de L’étrange Noël de Monsieur Jack qui, déjà, donnait une « image » à des fêtes (les villes d’Halloween et de Noël), bien qu’ici, ce sont des personnages et non des festivités qui sont représentés. Mais il faut savoir que le nouveau-né de DreamWorks est l’adaptation d’une œuvre romanesque intitulé The Guardians of Childhood écrite par William Joyce. Un détail qu’il est bon de rappeler pour montrer que les deux longs-métrages d’animation n’ont rien à voir. D’ailleurs, il suffit de regarder les premières minutes des Cinq Légendes pour s’en rendre compte.

Quoiqu’il en soit, le film marque un pas dans la filmographie de Dreamworks Animation : l’originalité et les sentiments à la Pixar ! Alors que nous avions droit à des gamineries appréciables qui se basaient toujours sur des références culturelles (musicales, cinématographiques…), Les Cinq Légendes fait prendre au studio une tout autre direction. En arborant une histoire surprenante, qui prend les figures telles que le Père Noël ou le Lapin de Pâques pour des sortes de super-héros qui nous gâtent pour vivre. Et en vivant, ils nous protègent. Un scénario qui se permet un très beau plaidoyer sur la notion de croyance, sans nous la rabâcher sans cesse de manière niaiseuse (comme le font souvent les films pour le jeune public). Ici, c’est délivré à renfort de personnages travaillés (surtout Jack Frost), de séquences véritablement riches en émotions et de moments assez noirs mais surtout matures. Une qualification rattachée à DreamWorks depuis Dragons (bien que Fourmiz, avant l’événement que fut Shrek, ait eu l’audace d’aller sur ce chemin).

Et comme le réalisateur Peter Ramsey a commencé sa carrière en tant qu’illustrateur (ayant qui plus est étudié la peinture avant de se lancer dans le cinéma), un film d’animation aussi haut en couleurs était pour lui l’occasion de montrer son talent visuel. Il va même encore plus loin, Les Cinq Légendes n’étant pas qu’un film d’animation aux graphismes d’une beauté et d’une justesse rarement atteinte (juste limitée par le design « déjà-vu » des personnages). Il va même jusqu’à livrer un film foisonnant de détails poétiques et humoristiques (comme les fameux lutins – elfes, je ne sais plus – du Père Noël, qui font tout de suite penser aux Minions de Moi, moche et méchant), aux diverses ambiances grandement travaillées (celle, obscure accompagnant Pitch, en particulier) et à la bande originale signée par Alexandre Desplat, nouveau génie de la composition musicale. Sans oublier de rendre le tout divertissant au possible, via des séquences d’action et de bravoure à la fluidité exemplaire et à des plans visuels de grandes ampleurs.

Si je devais toutefois émettre une réserve sur Les Cinq Légendes, c’est bien sur sa durée. 1h37 de film, c’est plutôt court quand nous avons autant de personnages à développer. Il est vrai que sur le papier, l’histoire s’intéresse bien plus à Jack Frost qu’aux autres. Mais tout de même ! Le Père Noël, le Lapin de Pâques, la Fée des dents (en Europe, son équivalent est la fameuse Petite Souris, venant remplacer les dents des enfants par des pièces) et le Marchand de Sable : cela ne vous donne pas envie d’en savoir plus sur eux, surtout qu’ils sont considérés ici comme des êtres exceptionnels, des super-héros ? Il est donc dommage que cela ne soit pas le cas. Et avec son statut de petit échec commercial (le film n’ayant même pas remboursé son budget sur le sol américain, soit 103 millions de dollars contre les 145 millions de base), pas sûr que le studio nous livre une suite qui aurait pu corriger cela.

Mais cela n’enlève rien au fait que Les Cinq Légendes se révèle être l’une des pépites de DreamWorks Animation. D’une beauté visuelle et d’une maîtrise indiscutables, et d’une maturité sans pareil (comparé aux autres longs-métrages du studio), le film est un véritable régal. Aussi bien pour les enfants que pour les adultes. Même, il serait bien plus destiné à un public âgé plutôt que les jeunes bambins, arborant des thèmes plutôt complexes pour nos chères petites têtes blondes (qui se contenteront, du coup, du spectacle) et des ambiances parfois limites niveau angoisse.

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le 4 juil. 2014

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