Fabuleux. Le comble des joies de la série B hilare et folklorique, conjugué à la subtile étrangeté de l’ère des Contes de la Crypte. Avec ses serial-killer venus de l’Espace en empruntant la forme de clowns (un cas unique au cinéma), Killer Klowns met d’emblée cartes sur table et ne recule devant aucune outrance, accumulant les morceaux de bravoure irréels et trouvant un étonnant équilibre entre la farce dissipée et l’intégrisme de genre sincère bien qu’au second degré, tout en exposant un univers extrêmement sophistiqué et haut-en-couleur.
Nanar délibéré aux multiples références, Killer Klowns honore son genre par la bouffonnerie certes, mais la bouffonnerie de prestige. Le scénario est rachitique, les acteurs nuls et enflammés (des cabotins épanouis, le commissaire en particulier) ; mais ce n’est pas tout, car ces ingrédients péjoratifs, qui plomberaient des films à vocation sérieuse, ou animeraient une série B quelconque, éventuellement ironique, ne sauraient de toutes façons engendrer un film notable. Et si Killer Klown est ce « mauvais film » si délectable et remarquable, c’est parce que son goût douteux relève de véritables exigences, dans leur domaine. On a rarement constaté l’élaboration d’une telle ambiance dans la comédie horrifique : or ici nous sommes dans une sorte de bulle onirique et trash. Cette inventivité trollesque fait presque passer Le Blob pour un pensum, gratiné c’est vrai, mais tellement triste. A ce titre, la première phase et le final, dans la soucoupe en forme de chapiteau, véritable labyrinthe fantasmagorique, tient largement la comparaison avec la Chocolaterie de Burton ; les décors synthétisent à merveille cette association du ridicule et du sublime qui donne au film son essence et son charme miraculeux.
Le film a une allure de chasse aux trésors dont la témérité n’a d’égal que l’orginalité ; les clowns soignent leurs entrées et leurs exploits, laissant au spectateur des moments-clés audacieux, comme avec la scène des jeux d’ombre ou bien l’homicide à la tarte à la crème. C’est en même temps un monument d’horreur grotesque et si les postures sont naturellement cheaps et excessive, le film développe une proximité désintégrée propre aux bons crus du fantastique. Et le ton surréaliste ainsi que l’insistance des clowns à l’occasion de leurs numéros fantasques et cruels, insinue une dose de terreur amusée. Pire, il ne faudrait pas se concentrer sur eux, car la farce deviendrait réellement macabre ; le délire des auteurs est tel que les déambulations de sa troupe de clowns inspirent l’état d’un cauchemar enfantin, tout aussi absurde et subversif. C’est cette déférence par-delà l’extravagance qui rend Killer Klowns non seulement si efficace et ubuesque, mais aussi cohérent et impressionnant à ce point. Dans d’autres circonstances et en conservant les mêmes images, ces Cénobites de salles des fêtes écraseraient leurs homologues d’authentiques slashers.
Dommage que les frères Chiodo ne soient encore passés derrière la caméra que pour ce Killer Klowns, car ils le font avec une assurance et une folie assumée sans pareille. Concepteurs des Critters (même époque que les clowns) mais aussi plus récemment des marionnettes de la Team America de Trey Parker, ils envisagent une suite en 3D mais on ignore où en est le projet.